L'armée ukrainienne a essuyé jeudi ses plus lourdes pertes depuis le début de l'opération visant à reprendre le contrôle de l'Est aux mains des séparatistes prorusses, après la mort de quatorze soldats ukrainiens à trois jours de la présidentielle.

Ces attaques, qui ont également fait une vingtaine de blessés dans les régions de Lougansk et de Donetsk, interviennent avant un scrutin crucial pour l'avenir du pays après six mois d'une crise politique qui a plongé le pays au bord de la guerre civile et de la partition.

Des insurgés armés ont par ailleurs investi quatre mines de la région de Lougansk et exigent les stocks d'explosifs, a annoncé le ministère ukrainien de l'Énergie.

Parallèlement, l'OTAN a annoncé observer des mouvements de troupes russes qui «pourraient suggérer» un retrait partiel des troupes russes massées le long de la frontière avec l'Ukraine estimées à 40 000 hommes, selon l'Alliance.

«J'espère qu'il s'agit du début d'un retrait complet et réel», a déclaré le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, après plusieurs annonces de Moscou d'un retrait.

Le ministère russe de la Défense a indiqué jeudi avoir expédié la veille vers leurs lieux de garnison quatre convois ferroviaires de blindés et d'armements, et 15 avions transportant des soldats, dans le cadre du retrait de ses forces de la zone frontalière avec l'Ukraine.

«La Russie envoie des signaux pour exprimer dans une certaine mesure sa bonne volonté pour accepter l'élection et oeuvrer à la désescalade», a estimé jeudi Wolfgang Ischinger, représentant de l'OSCE aux «tables rondes» organisées en Ukraine pour calmer les tensions.

Attaques à la grenade et au mortier

Après plusieurs jours d'accalmie sur le «front de l'Est», dans les régions de Donetsk et de Lougansk, la confrontation a repris avec plus d'intensité entre l'armée ukrainienne et les insurgés soutenus, selon Kiev et les Occidentaux, par Moscou.

Les séparatistes ont attaqué de nuit à coups de grenades, de mortiers et d'armes automatiques une position de l'armée et un convoi.

«Treize soldats ont donné leur vie pour l'Ukraine» en protégeant la ville de Volnovakha des séparatistes, a déclaré le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov.

Un autre soldat a également été tué dans une attaque séparée contre son convoi près de Roubijné, dans la région de Lougansk, selon le ministère ukrainien de la Défense.

À l'entrée de Volnovakha, des traces noires d'explosions maculent l'asphalte du barrage de contrôle, a constaté sur place un photographe de l'AFP. Les blindés de l'armée ne sont plus visibles, seules restent les traces de leurs chenilles alors que la police ukrainienne empêche les curieux d'approcher.

Des séparatistes rencontrés sur la route entre Volnovakha et Donetsk ont indiqué avoir vu l'évacuation des blessés vers Donetsk dans deux véhicules militaires. L'armée a par ailleurs organisé de nouveaux barrages de contrôle sur la route entre Volnovakha et Donetsk.

L'armée a lancé le 13 avril une opération pour reprendre le contrôle des régions de Lougansk et de Donetsk en grande partie sous le contrôle des séparatistes, qui ont proclamé leur souveraineté après des référendums d'indépendance.

Selon un décompte de l'AFP établi d'après les chiffres de l'ONU et de sources officielles ukrainiennes, plus de 140 personnes, militaires ukrainiens, séparatistes prorusses, civils, sont mortes dans les affrontements depuis le 13 avril.

Mercredi, le président par intérim Olexandre Tourtchinov, accompagné par les ministres de l'Intérieur et de la Défense, s'était rendu pour la première fois près de Slaviansk, un des bastions rebelles de l'Est, encerclé par l'armée. Les habitants de l'Est «commencent à comprendre que les terroristes séparatistes mènent la région à un gouffre», avait affirmé M. Tourtchinov.

Pour assurer le bon déroulement du scrutin, Kiev a annoncé le déploiement de 55 000 policiers et 20 000 volontaires. Les séparatistes ont en effet promis d'empêcher le déroulement du scrutin dans l'Est, où près de 2 millions d'électeurs pourraient avoir des difficultés à voter.

Le chef du conseil de sécurité nationale et de défense Andriï Paroubiï a reconnu jeudi qu'il «y aurait des problèmes» dans l'organisation du scrutin dans les chefs-lieux régionaux de Donetsk et de Lougansk ainsi qu'à Slaviansk, bastion des insurgés.

«Nous n'allons pas recommander aux observateurs ukrainiens et internationaux de se rendre dans les endroits dangereux», a-t-il ajouté au cours d'un point de presse.

La crise ukrainienne, née fin 2013 d'un mouvement de contestation à Kiev de l'autorité de l'ex-président Viktor Ianoukovitch, suivi d'un rattachement de la Crimée à la Russie et du déclenchement d'une insurrection armée dans l'Est, a consacré le retour des ambitions de la Russie sur la scène internationale et ouvert une période durable de confrontation entre Russes et Occidentaux.