Les insurgés pro-russes ont revendiqué dimanche un soutien à près de 90% à l'indépendance de la région ukrainienne de Donetsk à l'issue d'un référendum séparatiste dénoncé comme illégal par Kiev et l'Occident.

Les insurgés pro-russes de l'Est de l'Ukraine ont revendiqué dimanche un «oui» massif à leur projet d'indépendance du Donbass, qui pourrait déboucher sur une nouvelle partition du pays et a été dénoncé comme une «farce» aux lourdes conséquences par Kiev et l'Occident.

Les premiers résultats du scrutin sont tombés dès dimanche soir. Ils ne concernent que la région de Donetsk, l'une des deux (avec celle de Lougansk) concernées par le vote de dimanche.

«89,07% ont voté pour et 10,19% contre. Cela peut être considéré comme le résultat définitif», a déclaré Roman Liaguine, chef de la commission électorale mise en place par les rebelles. Le taux de participation a atteint 74,87%, selon lui.

«Il a été très facile de compter les bulletins car le nombre de gens qui ont voté contre a été extrêmement faible», a-t-il souligné.

Les insurgés armés pro-russes avaient convoqué dimanche la population du bassin du Donbass (7,3 millions de personnes), dont ils contrôlent les principales villes, pour valider leur projet d'«indépendance» des «républiques populaires» autoproclamées de Donetsk et de Lougansk.

A Kiev, le ministère des Affaires étrangères a déjà fait savoir, avant même les résultats, que «le référendum (...) est juridiquement nul et n'aura aucune conséquence juridique pour l'intégrité territoriale de l'Ukraine». Cette consultation n'est qu'une «farce criminelle» financée par la Russie, estime-t-il. Les Occidentaux ont abondé dans le même sens.

Les autorités ukrainiennes sont déterminées à mener à bien le scrutin présidentiel anticipé prévu le 25 mai, qu'elles accusent la Russie de vouloir faire capoter. Les insurgés ne veulent pas de cette élection et traitent de «fasciste» le gouvernement provisoire au pouvoir depuis la chute du président Viktor Ianoukovitch fin février.

Le référendum a attiré une foule conséquente, semble-t-il peu impressionnée par les hommes armés en faction à l'entrée des bureaux de vote.

Un certain enthousiasme était même apparent parmi les votants malgré l'attente parfois longue en raison du petit nombre d'isoloirs, de bureaux de vote et de l'absence des listes électorales fournies par Kiev. Les bulletins de vote étaient déposés dans des urnes transparentes, et sans la présence  d'observateurs internationaux.

Résultats lundi 

Après cette longue journée de vote, l'annonce des résultats est finalement intervenue moins d'une heure après la clôture des bureaux de vote. Le scrutin, qui s'est globalement déroulé dans le calme, a été émaillé de violences à Krasnoarmiïsk, une ville de 65 000 habitants située à l'ouest de Donetsk, où des hommes armés, vraisemblablement des milices pro-ukrainiennes, ont fait irruption dans les bâtiments officiels où se déroulait le référendum et l'ont interrompu.

Selon un photographe de l'AFP présent sur place, ils ont tiré sur la foule qui les invectivait et ont atteint deux personnes.

A Marioupol, ville où de violents affrontements entre forces ukrainiennes et pro-russes ont fait plusieurs morts cette semaine, des centaines de personnes ont fait la queue dans la rue pour voter.

A Slaviansk, des insurgés postés sur les check-points chargés de protéger la ville d'un assaut de l'armée ukrainienne ont eu la mauvaise surprise de ne pas pouvoir voter faute de papiers d'identité.

En revanche, dans la ville de Svatove (20 000 habitants), proche de Lougansk, le maire Evguen Rybalko a refusé d'organiser le référendum, bien que des dizaines d'hommes armés lui aient rendu visite à deux reprises pour tenter de l'en convaincre.

«Mon devoir est de faire respecter la loi ukrainienne. La population doit exprimer son opinion dans un cadre légal. Ce n'est pas le cas pour ce "référendum"», a-t-il expliqué à l'AFP.

Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a rappelé dimanche que, selon un récent sondage de l'institut Pew Research Center, 70% des habitants de l'Est étaient favorables à l'unité de l'Ukraine.

«Le problème est que la grande majorité des vrais patriotes ukrainiens et des partisans d'une Ukraine unie font l'objet d'intimidations de la part des groupes terroristes pro-russes et, leur vie étant menacée, ont peur d'exprimer publiquement leur opposition aux bandits», souligne-t-il.

«Les résultats des référendums factices dans l'est de l'Ukraine seront probablement faux. On n'a même aucun moyen d'en vérifier la participation», a renchéri le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt sur Twitter.

Scénario similaire à la Crimée 

La crainte de Kiev et des Occidentaux face à ce scrutin est de voir se reproduire un scénario similaire à celui qui a abouti en mars au rattachement de la Crimée à la Russie, plongeant l'Occident et la Russie dans leur pire crise depuis la fin de la Guerre froide.

Les grandes puissances ont déjà adopté ces dernières semaines des sanctions contre la Russie et menacent de les étendre si la présidentielle n'a pas lieu.

Les «prétendus référendums étaient illégaux et nous ne reconnaissons pas leurs résultats», a fait savoir dimanche la porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, à la veille d'une visite à Kiev du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Le président français François Hollande a lui aussi rejeté les «vraies-fausses» consultations des rebelles. «Ce qui va compter à mes yeux, la seule élection qui vaudra, c'est celle du 25 mai, l'élection qui va permettre de désigner le président de toute l'Ukraine» qui «sera la seule autorité légitime», a-t-il ajouté.

De source diplomatique française, on indique qu'une réunion entre Ukrainiens -autorités de Kiev et pro-russes- pourrait par ailleurs avoir lieu dès mercredi en Ukraine sous l'égide de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Selon le secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, la Russie n'a toujours pas retiré ses troupes massées à la frontière avec l'Ukraine en dépit de promesses en ce sens.

Les affrontements armés dans l'est et le sud de l'Ukraine ont fait des dizaines de morts ces deux dernières semaines.