Les États-Unis et les Européens préparaient de nouvelles sanctions susceptibles d'intervenir dès lundi contre Moscou face à la montée des tensions dans l'Est séparatiste de l'Ukraine, où les rebelles détenaient toujours dimanche une équipe d'observateurs militaires internationaux.

La Russie qui a massé ses troupes à la frontière a violé dans la nuit à plusieurs reprises l'espace aérien ukrainien dans le but de «provoquer une guerre», a estimé le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk. Face à ces développements, le chef du gouvernement a décidé d'écourter sa visite à Rome.

Dans une conversation téléphonique avec son homologue américain John Kerry, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a souligné «la nécessité de mesures urgentes pour une désescalade de la situation en Ukraine», en premier lieu la suspension de l'opération militaire de Kiev contre les rebelles.

M. Kerry a dit son «inquiétude concernant les mouvements de troupes russes provocateurs à la frontière ukrainienne», selon un communiqué du département d'État. Il a également demandé le «soutien sans conditions» de Moscou aux efforts de l'OSCE et du gouvernement ukrainien pour libérer les 13 observateurs de l'organisation «retenus en otage par des séparatistes pro-russes à Slavyansk», dans l'est de l'Ukraine.

Sur le terrain, tous les regards étaient tournés samedi sur les 13 observateurs accusés d'être des «espions de l'OTAN».

Les services de sécurité ukrainiens ont affirmé que les membres de cette équipe- huit étrangers et cinq militaires ukrainiens - étaient détenus «dans des conditions inhumaines» et que l'un d'eux avait besoin d'aide médicale.

«Ils n'ont rien à voir avec l'OSCE, ce sont des militaires», selon le leader séparatiste de Slaviansk Viatcheslav Panomarev qui a souligné qu'ils étaient entrés dans la ville sans «permission».

Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier, est intervenu auprès de M. Lavrov pour que la Russie fasse pression sur les rebelles afin que «l'équipe de l'OSCE soit immédiatement libérée».

La Russie a promis de «prendre toutes les mesures possibles» tout en accusant les autorités ukrainiennes de ne pas être en mesure de garantir leur sécurité.

Devant le siège des services de sécurité (SBU) où seraient retenus les membres de la mission de l'OSCE, les barricades ont été renforcées samedi matin avec des sacs de sable. Trois blindés stationnaient à proximité.

La Russie, que Kiev et les Occidentaux accusent de fomenter les troubles en Ukraine, a massé jusqu'à 40.000 hommes à sa frontière occidentale et y mène depuis quelques jours «des manoeuvres».

«Nous n'excluons plus une intervention militaire russe en Ukraine dans les prochains jours», a confié à des journalistes un diplomate occidental.

Sanctions occidentales renforcées

Jugeant que Moscou a «continué à exacerber les tensions avec un discours toujours plus préoccupant et des manoeuvres militaires menaçantes», les sept pays industrialisés (G7) ont décidé d'étendre les sanctions contre la Russie.

Selon un responsable américain, «chaque pays déterminera quelles sanctions ciblées il veut imposer». «Les sanctions américaines pourraient intervenir dès lundi», a-t-il précisé.

Pour le secrétaire américain au Trésor Jacob Lew, «le but est d'atteindre l'économie russe tout en faisant le moins de dommages possible à l'économie américaine et mondiale». Les États-Unis sont prêts «à en absorber les conséquences si nécessaire», a-t-il affirmé vendredi.

Des diplomates des 28 pays membres de l'Union européennes vont se rencontrer lundi à Bruxelles «en vue d'adopter une liste supplémentaire de sanctions de 'phase 2'«, comme le gel d'actifs et des interdictions de voyage.

La Russie n'est l'objet pour l'instant que de sanctions américaines et européennes visant de hauts responsables, mais la crainte de mesures de rétorsion contre son économie, déjà affaiblie, a entraîné de massives fuites de capitaux, poussant l'agence Standard & Poor's à abaisser vendredi la note de la Russie à «BBB-».

Référendum séparatiste  

Sur le terrain, Slaviansk, bastion des séparatistes dans l'Est, est en état de siège depuis un assaut bref et meurtrier lancé par des blindés ukrainiens.

Kiev a indiqué avoir mis en place «un blocus» afin d'empêcher les pro-russes «de recevoir des renforts». Les séparatistes ont déclaré qu'ils ne rendraient pas la ville.

Moscou a appelé Kiev à mettre fin sans délai à son offensive militaire, mais le pouvoir de Kiev a affirmé que son «opération antiterroriste» allait continuer, tout en s'engageant à faire preuve de retenue.

Durant sa visite à Rome, Arseni Iatseniouk a rencontré le pape François qui lui a promis de faire «tout son possible» pour la paix en Ukraine.

Selon Kiev, la Russie prépare une invasion ou veut du moins déstabiliser la situation politique avant la présidentielle du 25 mai pour laquelle les pro-occidentaux sont donnés grands favoris.

Les séparatistes à Donetsk, grande ville industrielle de l'Est ont réaffirmé samedi leur intention d'organiser un référendum le 11 mai sur la «déclaration d'indépendance» de la région de Donetsk.

La perte de la Crimée, péninsule ukrainienne rattachée en mars à la Russie en quelques semaines, est dans tous les esprits.

Face à la menace brandie par Moscou d'une intervention militaire, Washington a réagi en déployant 600 soldats en Pologne et dans les pays baltes, et 150 soldats supplémentaires sont arrivés samedi matin en Lituanie.

M. Lavrov a accusé les Occidentaux de «vouloir s'emparer de l'Ukraine» pour servir «leurs ambitions géopolitiques».

L'Ukraine limite ses approvisionnements en eau vers la Crimée

L'Ukraine a limité ses approvisionnements en eau vers la péninsule de Crimée, a déclaré samedi le gouverneur par intérim de cette région rattachée en mars à la Russie, Sergueï Axionov.

«Le sabotage de l'Ukraine concernant la limitation des approvisionnements en eau vers la république à travers le canal Nord-Crimée ne peut être qualifié autrement que comme une action préméditée à l'encontre des habitants de Crimée», a-t-il déclaré, cité par l'agence officielle Itar-Tass.

Des médias ukrainiens ont rapporté plus tôt dans la journée que les autorités de Kiev avaient coupé les vannes du canal Nord-Crimée, qui assure jusqu'à 85% des besoins en eau de la péninsule.

«La Crimée ne restera pas sans eau. Il existe des plans d'urgence. Il n'y a pas de problèmes avec l'eau potable. Les producteurs agricoles seront dédommagés», a cependant assuré M. Axionov sur son compte Twitter.

Il a ajouté que des négociations étaient en cours avec les autorités ukrainiennes pour trouver une solution, selon Itar-Tass.

La Crimée dépend de l'Ukraine pour son approvisionnement en eau et en électricité, notamment.