L'accord conclu à Genève sur l'Ukraine permet à la Russie d'échapper à de nouvelles sanctions, mais ne lève pas la menace d'une escalade du conflit, soulignaient vendredi des analystes.

À la surprise générale, les discussions quadripartites - UE, É.-U., Ukraine, Russie- de Genève se sont achevées jeudi sur l'annonce d'un accord, qui prévoit notamment le désarmement des groupes armés illégaux et l'évacuation des bâtiments occupés dans les villes ukrainiennes.

Mais nombre d'observateurs restent sceptiques sur les intentions de la Russie.

Le président américain Barack Obama a lui-même déclaré n'avoir aucune certitude quant au fait qu'il permette une désescalade sur le terrain.

Il a prévenu que d'autres sanctions américaines et européennes seraient prises, en cas d'impasse, à l'encontre de Moscou, accusé par les autorités de Kiev et l'Occident d'orchestrer les troubles dans l'est du pays, où se font face forces armées ukrainiennes et insurgés pro-russes.

«Au final, tous ceux qui ont signé le texte peuvent l'interpréter à leur avantage. Il n'y a aucune garantie qu'il sera respecté par ceux qui l'ont signé», estime Sergueï Mikheev, un analyste indépendant.

«C'est un premier pas, mais cela peut aussi être le dernier», met-il en garde, tout en soulignant que la Russie avait cependant tout intérêt à sa mise en oeuvre.

«La Russie a participé aux discussions de Genève, car elle ne veut pas d'une guerre civile en Ukraine. La Russie serait alors impliquée dans ce conflit et elle n'en a pas besoin», explique M. Mikheev.

«La crise ukrainienne pourrait être le détonateur de la crise russe», renchérit Viktor Kremeniouk, de l'Institut USA-Canada de Moscou.

Sur le plan économique, la Russie est en effet dans une position fragile. Sa croissance ne cesse de ralentir et le phénomène s'est nettement aggravé en mars en raison de la confrontation avec les pays occidentaux qui a suivi le rattachement de la Crimée, et de l'adoption de premières sanctions.

Pour l'instant, celles-ci ciblent surtout des personnalités, et quelques institutions financières. Mais l'Occident ne cesse d'agiter la menace de sanctions pénalisant plus largement l'économie russe, encore très dépendante de ses exportations d'hydrocarbures, notamment vers l'Union européenne.

Un répit pour la Russie

Les analystes estiment que la Russie a aussi cherché un terrain d'entente sur la crise en Ukraine pour éloigner la menace de nouvelles sanctions, aux conséquences potentiellement dramatiques.

Avec l'accord de Genève, l'Occident peut se dire «qu'il y a eu des progrès et donc que la question d'éventuelles nouvelles sanctions contre la Russie ne se pose plus», estime Maria Lipman, de l'antenne moscovite du centre Carnegie.

«C'est dans l'intérêt russe d'éviter de sévères sanctions sur des secteurs de son économie. La Russie bénéficie d'un répit», poursuit-elle.

Pour autant, l'accord ne lève en rien la menace d'une «escalade», temporise-t-elle, d'autant plus que l'accord n'est en rien contraignant pour Moscou, qui selon l'OTAN a massé près de 40 000 hommes à la frontière avec l'Ukraine.

Le document signé n'évoque en effet pas cette question ni le rattachement de la Crimée au territoire russe au mois de mars.

Or, Moscou a multiplié ces derniers jours les déclarations incisives, le président Vladimir Poutine lançant une nouvelle fois jeudi la menace voilée d'un recours à la force en Ukraine.

Lors d'une séance de questions-réponses télévisée de plus de quatre heures jeudi, Vladimir Poutine a fait référence à l'appartenance jadis à l'empire russe des villes aujourd'hui ukrainiennes de Kharkiv, Lougansk, Donetsk, Kherson, Mykolaïv ou Odessa.

«C'est important que les différentes parties aient montré leur volonté de normaliser la situation (en Ukraine, ndlr). Mais les réponses de Poutine hier ont maintenu les inquiétudes», conclut Mme Lipman.