Le ton est encore monté autour de l'Ukraine, menacée d'éclatement, tandis que le président russe Vladimir Poutine devait examiner mercredi avec son gouvernement les relations économiques et énergétiques avec Kiev, puissant moyen de pression sur son voisin ukrainien.

Mardi, les autorités pro-européennes de Kiev ont qualifié les séparatistes pro-russes de «terroristes et criminels», Washington accusant la Russie, qui a brandi le spectre la guerre civile, de semer «le chaos» chez son voisin.

Les responsables ukrainiens ont voulu reprendre la main, repoussant au cours d'une «opération anti-terroriste» un nouvel assaut à coup de cocktails molotov des séparatistes sur le bâtiment de l'administration régionale de Kharkiv, une des grandes villes de l'est russophone.

Trois membres des forces de l'ordre ont été blessés, dont un grièvement, et 70 activistes arrêtés, dont leur leader local, selon les autorités.

Des séparatistes tenaient toujours le siège des services de sécurité (SBU) dans une autre ville de l'est, Lougansk. Le SBU affirme qu'ils ont pillé l'armurerie, miné les lieux, et retiennent une soixantaine de personnes en «otage».

Face à ces troubles, le gouvernement de Kiev a encore haussé le ton. Les «séparatistes» qui «prennent les armes, qui envahissent des bâtiments, seront traités comme (...) des terroristes et des criminels», a averti le président par intérim Olexandre Tourtchinov.

Mais les forces de l'ordre «ne prendront jamais les armes contre des manifestants pacifiques», a-t-il assuré.

Cocktails molotov 

Les pro-russes de Donetsk, ville du président pro-russe déchu Viktor Ianoukovitch, ne semblaient pas intimidés, renforçant les barricades faites de pavés et de pneus autour de leur QG, le bâtiment de l'administration régionale qu'ils ont pris dimanche.

«Nous craignons tous un assaut des forces de l'ordre», a expliqué à l'AFP Denis, homme d'une vingtaine d'années, visage masqué et une imposante batte de base-ball à la main.

Un de leurs chefs, Vadim Tcherniakov, a réaffirmé qu'ils entendaient organiser avant le 11 mai un référendum sur l'éventuel rattachement de la région à la Russie et annoncé la formation d'un «gouvernement provisoire de la République du Donbass».

Les insurgés ne semblaient toutefois pas contrôler grand-chose hors leur QG où s'entassent des cocktails molotov et les forces loyalistes ont annoncé avoir repris, sans qu'il y ait de victimes, le siège du SBU à Donetsk.

Ces troubles font craindre un scénario semblable à celui de Crimée, péninsule ukrainienne de la mer Noire rattachée à la Russie en mars après un référendum non reconnu par Kiev et l'Occident, qui dénoncent une «annexion».

D'autant que la Russie, dont Vladimir Poutine s'est engagé à protéger «à tout prix» les russophones de l'ex-URSS, a massé jusqu'à 40 000 militaires à la frontière ukrainienne, faisant craindre une invasion.

Moscou a appelé mardi les autorités ukrainiennes à cesser des préparatifs en vue d'une intervention dans l'Est, «qui risque de déclencher une guerre civile».

La Russie affirme que 150 hommes d'une société de sécurité privée américaine participent à l'opération, ainsi que des militants d'un groupe nationaliste qu'elle qualifie de «fasciste».

Kiev a démenti ces allégations et le secrétaire d'État américain John Kerry a répliqué en accusant la Russie d'avoir envoyé «des provocateurs et des agents» créer «le chaos» dans l'est de l'Ukraine.

Les États-Unis ont toutefois proposé des «pourparlers» à quatre, Ukraine/Russie/Union européenne/USA, pour sortir de la pire crise Est-Ouest depuis la fin de la guerre froide. Moscou n'a pas exclu de telles discussions, mais veut que les pro-russes y soient représentés.

En attendant, M. Kerry a annoncé qu'il rencontrerait une nouvelle fois son homologue russe Sergueï Lavrov la semaine prochaine. 

«Erreur historique» 

Les autorités ukrainiennes provisoires en place depuis le renversement fin février de M. Ianoukovitch accusent Moscou de vouloir «démembrer» leur pays ou au moins torpiller l'élection présidentielle prévue le 25 mai. Les favoris de ce scrutin sont des pro-européens, décidés à arrimer à l'Ouest une Ukraine de 46 millions d'habitants frontalière de plusieurs pays de l'UE.

Face à ce regain de tension, les avertissements se multiplient. Le chef de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a appelé  Moscou à «ne pas jouer l'escalade», le président français François Hollande à ne pas «alimenter les tensions».

Américains et Européens brandissent par ailleurs la menace de nouvelles sanctions, économiques, contre la Russie en cas d'intervention.

Le Fonds monétaire international a mis en garde contre les risques de contagion à l'économie mondiale de la crise, qui affecte déjà la Russie d'où les fuites de capitaux ont dépassé 50 milliards de dollars au premier trimestre. Notamment en cas de perturbations dans la production ou le transport du pétrole ou du gaz.

C'est précisément pour tenter d'éviter une «guerre du gaz» qui pourrait affecter tout le continent qu'Ukrainiens et Européens se sont retrouvés mardi à Bruxelles.

La Commission européenne va créer un «Groupe de soutien» à l'Ukraine pour coordonner les efforts financiers des États membres, des donateurs extérieurs et du FMI, a-t-on appris mardi soir de source européenne.

Moscou vient en effet d'imposer une augmentation-sanction de 80% du prix du gaz livré à l'Ukraine, que Kiev a refusée. Or, l'Ukraine assure le transit de plus de la moitié du gaz acheté par les pays de l'UE.