Une petite fille blonde tire désespérément la porte, pendant que sa mère lit un écriteau à haute voix : «Pour des raisons de fabrication, le restaurant est fermé». La population de Simferopol, en Crimée, a découvert vendredi avec stupéfaction la brusque fermeture de son McDonald's.

L'établissement de la capitale de la Crimée, rattachée à la Russie après un référendum le 16 mars, scrutin que Kiev et les Occidentaux ne reconnaissent pas, parlant d'«annexion», est l'un des trois de la péninsule, avec ceux de Sébastopol et Yalta. Tous sont désormais fermés.

Le géant américain de la restaurant rapide n'a pas donné d'explication à ces fermetures «temporaires», évoquant simplement «des raisons opérationnelles hors de (son) contrôle».

Le McDo de Simferopol, un bâtiment cubique en faux bois et fausse pierre, est l'un des points de ralliement de la jeunesse locale et surtout des voyageurs : il est situé entre la gare ferroviaire et la gare routière.

«Vous savez ce qui se passe?», demande Mavele, une jeune femme incrédule. Elle retient ses cheveux pour regarder à travers la baie vitrée : les tables extérieures y ont été entassées et quelques employés sont occupés à nettoyer la cuisine.

Ces derniers, qui se sont succédé toute la journée pour récupérer des documents de travail ou donner un coup de main, ont reçu la consigne de ne rien dire.

Mais selon Lilia, une jeune femme de 21 ans, qui travaillait là-bas depuis un an, ils n'ont appris la nouvelle que jeudi. «On était très surpris», confie-t-elle. «Ils nous ont expliqué qu'ils fermaient parce que (la direction de) Kiev ne voulait pas envoyer des ingrédients en Crimée».

«Certains ont éclaté de rire, mais d'autres se sont mis à pleurer», ajoute cette étudiante en anglais, qui se dit d'abord ravie d'avoir désormais «du temps pour étudier».

Puis elle confesse du bout des lèvres que l'indemnité de départ lui a redonné le sourire : «C'est assez pour tenir trois mois, jusqu'au prochain job...»

«Ce serait politique?»

McDonald's garantit aussi un emploi aux salariés de Simferopol, Sébastopol et Yalta qui souhaiteraient partir travailler en Ukraine. «Ils leur payeront le logement pendant trois mois», assure Lilia.

Selon elle, ces derniers sont très minoritaires, sur les 200 à 300 du restaurant.

«Ils sont trois, dont le directeur, qui part à Odessa», prétend Igor Provatorov, le responsable de la sécurité, qui travaille là depuis 15 ans.

«Cette fermeture, c'est une décision politique», affirme-t-il en fumant une cigarette en tenue de camouflage bleue, adossé à des palettes. «Vous imaginez combien ils perdent chaque jour. 200 000 hryvnias», soit environ 19 000 $, selon ses estimations.

Derrière lui, quatre «équipiers» sortent en anorak rouge et jaune et commencent à dévisser les parasols. Le matériel du restaurant doit être expédié en Ukraine. Le service au volant, où les menus ont été recouverts de sacs-poubelle, est déjà devenu un stationnement.

«Nous coopèrerons volontiers avec les sociétés qui souhaitent travailler sur le territoire de la République de Crimée. Celles qui ne le souhaitent pas, c'est leur affaire», a commenté le ministre des Finances de Crimée, Vladimir Levandovski, cité par l'agence russe Ria-Novosti.

Les habitants de Simferopol partagent son analyse. «Ils ne veulent pas de notre argent? On s'en fiche, on va ailleurs!», lâche une quinquagénaire blond platine derrière ses lunettes de soleil.

Sacha et Oleg, qui attendaient le bus, se sont approchés après avoir «entendu un enfant pleurer». «On se demandait ce qui se passait», plaisantent-ils.

Ils n'ont aucun doute sur la réouverture prochaine du lieu qui fait «tellement de profit», puis s'interrogent soudain sur la raison de cette fermeture : «Ce serait politique?»

Le jeune couple conclut en choeur : «On préfère être russes qu'aller au McDo. On s'est battu pour ça!»

Selon son communiqué, McDonald's espère rouvrir ses restaurants «aussi vite que possible».