L'Ukraine continue à s'éloigner de la Russie dans le sillage de l'absorption de la Crimée par la Fédération de Russie, menacée par Angela Merkel de nouvelles sanctions économiques et de l'annulation du sommet de G8 de Sotchi.

L'Union européenne va allonger la liste des personnalités russes et ukrainiennes pro-russes frappées d'interdiction de visa et de gels des avoirs, a annoncé jeudi la chancelière allemande au Bundestag.

«En cas d'escalade (...) nous sommes prêts à chaque instant à passer à la phase trois des sanctions et il s'agira sans aucun doute de sanctions économiques», a-t-elle ajouté.

Et, concernant le projet d'un sommet du G8 à Sotchi en juin, elle a estimé que «tant que les conditions politiques ne sont pas réunies», il n'y a «plus de G8, ni de sommet, ni de format en tant que tel».

À Moscou, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov et le président Vladimir Poutine, devaient entendre jeudi les critiques du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, qui doit ensuite gagner Kiev.

Le Parlement de Kiev a adopté jeudi une résolution proposée par le président par intérim Olexandre Tourtchinov. L'Ukraine «ne reconnaîtra jamais l'annexion» de la péninsule par la Russie, déclare ce document, et «ne cessera pas sa lutte pour la libération de la Crimée aussi longue et douloureuse qu'elle soit».

La veille, Kiev a annoncé plusieurs mesures ponctuant la rupture avec Moscou, dont l'instauration de visas pour les Russes et le retrait de la CEI, organisation de onze républiques de l'ex-URSS.

Dans ce contexte, la libération par les autorités de la Crimée du commandant en chef de la marine ukrainienne, détenu mercredi par les forces russes ayant occupé le QG des forces navales ukrainiennes à Sébastopol, est peu susceptible de détendre les relations avec Moscou, même si c'est le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, qui est intervenu personnellement en faveur du contre-amiral Serguiï Gaïdouk.

«Otages» libérés

D'autres Ukrainiens détenus par les autorités de la Crimée, considérés par Kiev comme des «otages», ont également été libérés.

Parallèlement, Moscou a annoncé que son administration a commencé à délivrer des passeports russes en Crimée, une étape symbolique de l'intégration de la péninsule ukrainienne.

À Bruxelles, les dirigeants européens doivent chercher une riposte crédible à l'opération éclair russe scellée mardi par la signature d'un traité avec les autorités pro-russes de Simferopol.

À l'occasion de ce sommet, l'Ukraine doit signer vendredi le volet politique de l'accord d'association avec l'UE.

Les 28 pourraient décider d'annuler le sommet Russie-UE prévu en juin à Sotchi, mais ne devraient pas aller immédiatement jusqu'à des sanctions économiques qui porteraient atteinte à leurs intérêts.

Les sanctions européennes et américaines annoncées lundi ont fait l'objet de commentaires ironiques à Moscou, tandis qu'un vice-ministre russe des Affaires étrangères a indiqué jeudi que la Russie allait adopter des actions analogues à l'encontre des Américains.

Certains pays, comme la Grèce, la Finlande et la Bulgarie, s'inquiètent pour les livraisons de gaz russe.

La France cherche à préserver la vente de deux navires militaires Mistral à la Russie, et une éventuelle suspension de ce contrat, dont Paris a menacé Moscou, ne serait décidée qu'en octobre, au moment de la livraison, a indiqué jeudi le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Moscou a répliqué aussitôt en avertissant qu'elle «fera valoir ses droits jusqu'au bout» en cas de rupture du contrat et exigera compensation, selon le vice-ministre russe de la Défense Iouri Borissov.

Pas seulement symbolique

Parallèlement, l'Ukraine prépare un plan d'évacuation des militaires stationnés en Crimée - ils seraient plus de vingt mille - et de leurs familles.

L'instauration de visas risque - surtout si Moscou répond du tac au tac - de gêner des centaines de milliers d'Ukrainiens qui ont des proches ou vont travailler en Russie.

Annoncée par le Conseil de sécurité nationale et de défense, cette mesure a été cependant critiquée par le premier ministre Arseni Iatseniouk à son arrivée à Bruxelles.

Il convient d'éviter toute précipitation, a-t-il observé en substance, car un grand nombre d'Ukrainiens vivant dans l'est et le sud du pays sont intéressés au maintien du régime sans visa avec la Russie.

Le problème le plus urgent entre les deux pays est celui des bases militaires ukrainiennes.

Le gouvernement de Kiev a donné l'ordre à ses militaires de rester en Crimée. Et il a autorisé officiellement ses soldats encore dans la péninsule à prendre les armes pour se défendre.

Le premier et le deuxième président d'Ukraine Léonid Kravtchouk et Léonid Koutchma ont demandé au président par intérim de retirer les troupes de Crimée «pour sauver les vies des soldats», selon un communiqué de la présidence.

«Même dans un cauchemar, je ne pouvais pas imaginer que je verrai un jour la Crimée occupée par les troupes russes», a déclaré M. Koutchma.

Jeudi matin, une centaine de soldats russes encerclait la grande base de Perevalne, dans le sud de la péninsule.