L'ambassadeur de Russie au Canada a déclaré, mardi à Ottawa, que les sanctions imposées par les pays occidentaux en raison de la situation en Ukraine n'entraîneraient pas l'isolement de son pays, et que son expulsion du G8 ne ferait que mettre en péril la stabilité internationale.

Georgiy Mamedov a affirmé que la Russie ne pouvait être isolée et que, si l'Europe et l'Amérique du Nord ne voulaient pas de ses ressources, la Chine était plus que prête à en profiter pour satisfaire ses énormes besoins en énergie.

«Regardez la carte du monde. La moitié de la Russie se trouve en Asie», a dit M. Mamedov. «Je ne pense pas que les pays occidentaux soient (...) assez aventureux ou fous pour se tirer dans le pied et saper les relations énergétiques ou d'autres relations mutuellement bénéfiques avec la Russie.

«Mais même s'ils le faisaient, la plus grande frontière que nous avons dans le monde est avec la Chine, pas avec la Belgique ou le Canada, malheureusement», a souligné l'ambassadeur.

Le Canada s'est joint aux États-Unis et à d'autres pays en imposant des sanctions contre la Russie après le vote sécessionniste de dimanche dans la péninsule ukrainienne de Crimée.

De passage à Montréal, mardi, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a annoncé que le Canada imposait des sanctions supplémentaires contre 17 autres responsables russes et ukrainiens liés à la crise en Crimée. Ces responsables ont été ajoutés à la liste de ceux dont les avoirs ont été gelés et qui font face à des restrictions de déplacement à l'étranger.

«Nous avons vu aujourd'hui le président (Vladimir) Poutine défier la communauté internationale. Il est de plus en plus isolé. Tant que le président Poutine continuera de saper le droit international en empiétant de manière flagrante sur la souveraineté territoriale d'autres États, nous mettrons en oeuvre d'autres mesures», a déclaré M. Baird.

Le premier ministre Stephen Harper a qualifié d'illégitime le résultat du soi-disant référendum en Crimée, jugeant qu'il avait été mené sous une occupation militaire russe illégale.

M. Harper, qui doit se rendre à Kiev vendredi pour exprimer son appui au gouvernement temporaire en Ukraine, avait précédemment indiqué que les sanctions visaient à isoler la Russie. Mais M. Mamedov en a fait peu de cas. «J'en ai vu d'autres, et vous ne pouvez isoler la Russie», a-t-il déclaré.

M. Baird a toutefois estimé que les chiffres parlaient d'eux-mêmes.

«Le Canada se tient aux côtés des États-Unis, des 28 membres de l'Union européenne, de la Suisse et d'autres pays. Il y a eu un vote à l'ONU l'autre jour et au Conseil de sécurité, aucun pays n'a voté avec la Russie», a-t-il souligné.

«Aucun pays ne s'est levé et n'a voté avec la Fédération de Russie. Je pense qu'ils ont deux fidèles alliés, le gouvernement El-Assad à Damas et le régime répressif en Corée du Nord, et je crois que cela en dit long.»

Suspension du G8?

Une certaine confusion régnait mardi sur l'éventuelle suspension de la Russie du Groupe des huit pays les plus industrialisés (G8).

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a affirmé à une radio européenne que les dirigeants du G8 avaient décidé de «suspendre la participation de la Russie». Le Foreign Office britannique a quant à lui indiqué que la Russie faisait encore partie du G8, mais n'a pas exclu une suspension.

Exclure la Russie du G8 ferait plus de mal que de bien, a jugé l'ambassadeur Mamedov.

«Je ne comprends pas les gens qui disent que cela va nuire à la Russie», a-t-il déclaré. «Cela nuira à la stabilité mondiale. Cela nous empêchera d'avancer sur des dossiers qui menacent la sécurité de l'ensemble de nos pays.»

M. Baird a estimé qu'il revenait aux autres pays du G8 de décider de la marche à suivre, mais que l'exclusion de la Russie restait une possibilité.

«Je crois que vous vous souvenez du dernier sommet du G8 en Irlande du Nord. Certains avaient sourcillé quand le premier ministre Harper avait fait référence au G8 en tant que G7 plus un, et je crois que l'on voit aujourd'hui la sagesse de cette observation», a déclaré le ministre des Affaires étrangères.

L'ambassadeur de Russie s'est exprimé pendant près d'une heure lors d'une conférence de presse à Ottawa, qu'il avait convoquée afin de discuter des récents Jeux olympiques et paralympiques de Sotchi.

Mais il est rapidement devenu clair que ni M. Mamedov ni la plupart des journalistes présents n'avaient l'intention de parler de sports. L'ambassadeur a longuement répondu aux questions sur la situation en Ukraine et en Crimée, sur l'avenir de la Russie au sein du G8, sur les ambitions de Moscou dans d'autres parties du monde, et sur la récente agression au couteau contre un diplomate russe près de l'ambassade à Ottawa.

Le diplomate blessé est en convalescence à Moscou et ne reviendra probablement pas au Canada, a-t-il dit.

Les autorités canadiennes ne pensent pas que l'agression avait des motivations politiques, mais M. Mamedov a mis en doute cette thèse. La Gendarmerie royale du Canada l'a prévenu que la sécurité de l'ambassade et de ses employés était menacée, a-t-il affirmé.

«Je fais confiance aux autorités canadiennes. J'adore les autorités canadiennes. J'admire les autorités canadiennes. Mais je ne risquerai pas (la) vie (du diplomate) une autre fois», a déclaré l'ambassadeur.

Questionné quant à savoir s'il était satisfait du comportement de son employé dans les moments qui ont précédé l'agression, M. Mamedov a décoché une flèche à son pays hôte. «La prochaine fois, je suggérerai à mes gens de ne jamais tourner le dos devant un Canadien», a-t-il dit.