L'Ukraine s'est dotée jeudi d'une Garde nationale pour renforcer sa défense face à la Russie qui manoeuvre militairement à ses portes sous la surveillance des avions de l'OTAN, à trois jours du référendum qui doit entériner la perte de la Crimée.

Quelque 4000 parachutistes russes, 36 avions et environ 500 véhicules, participent notamment à des manoeuvres dans la région de Rostov-sur-le-Don, près de la frontière ukrainienne, selon l'agence officielle russe Itar-Tass.

Cette démonstration de force est complétée par le déploiement au Bélarus de six avions de combat Su-27 et de trois avions de transport militaires.

Ces ajustements de l'armée russe répondent à l'intensification des missions de reconnaissance de l'OTAN près de l'Ukraine. Des avions-radar Awacs de l'OTAN survolent la Pologne et la Roumanie alors que des chasseurs F-15 et F-16 ont été envoyés en Pologne et en Lituanie.

Sur la scène internationale, les Occidentaux jettent leurs dernières forces pour tenter d'infléchir la position du maître du Kremlin, Vladimir Poutine, qui refuse de retirer les milliers d'hommes déployés dans la péninsule ukrainienne de Crimée depuis fin février. Le président russe, qui affirme agir dans l'intérêt des russophones d'Ukraine, n'a pas donné le moindre signe qu'il accepterait les demandes des Occidentaux.

Menaces «très sérieuses» des Occidentaux

Le chef de la diplomatie américaine John Kerry a une nouvelle fois haussé le ton jeudi, prévenant Moscou que les États-Unis et l'Union européenne étaient prêts à prendre dès lundi des «mesures très sérieuses» pour répliquer au référendum de dimanche en Crimée qui doit entériner un rattachement à la Russie.

En Crimée, les autorités séparatistes prorusses achèvent dans les 48 heures les préparatifs du référendum où 1,5 million d'Ukrainiens doivent se prononcer. L'issue du scrutin ne fait guère de doute.

À Kiev, les députés ukrainiens ont adopté la création d'une Garde nationale qui viendrait prêter main-forte à l'armée ukrainienne et ses 130 000 hommes, dont une moitié de conscrits, alors que la Russie dispose au total d'une armée de 845 000 soldats.

Cette Garde nationale, placée sous l'autorité du ministère de l'Intérieur et qui pourrait compter jusqu'à 60 000 hommes, sera notamment composée des groupes d'«autodéfense» qui étaient en première ligne sur les barricades à Kiev pendant les trois mois de contestation.

Empêcher des intrusions russes dans l'est

Le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense Andriï Paroubiï avait indiqué avant le vote qu'il s'agissait d'une réponse «aux défis auxquels est confrontée l'Ukraine», dans une allusion à l'entrée de forces russes en Crimée, la péninsule du sud du pays qui est sur le point d'être absorbée par la Russie.

Quelques 40 000 volontaires se sont déjà présentés aux centres de recrutement de l'armée qui les formera.

Cette nouvelle force se forme dans l'urgence alors que les Ukrainiens s'inquiètent d'un déploiement des Russes dans l'est du pays. Dans une interview à l'AFP, le président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov, avait déclaré qu'il voulait avant tout empêcher une intrusion des forces russes dans l'est du pays, région où vivent aussi de nombreux russophones.

L'annonce jeudi par Moscou du lancement de manoeuvres militaires dans plusieurs régions situées à la frontière avec l'Ukraine n'est pas de nature à calmer les esprits.

«Le but principal de ces mesures est de vérifier l'aptitude des troupes à mener des exercices de combat», a affirmé le ministère russe de la Défense, précisant que les exercices militaires auraient lieu jusqu'à la fin du mois dans les régions de Rostov-sur-le-Don, Belgorod, Tambov et Koursk.

À Washington, le président Barack Obama a affiché mercredi son soutien à l'Ukraine en recevant son premier ministre Arseni Iatseniouk à la Maison-Blanche et en mettant une nouvelle fois en garde Vladimir Poutine.

«Nous continuerons à dire au gouvernement russe que s'il poursuit sur le chemin actuel (...) nous serons obligés d'imposer un coût aux violations du droit international par la Russie en Ukraine», a déclaré M. Obama.

La Crimée prête à une sécession rapide

Mais, à trois jours de la consultation sur l'avenir de la péninsule où vivent deux millions de personnes, dont la minorité tatare, rien ne semblait en mesure d'enrayer son glissement dans le giron russe.

La Crimée est désormais quasiment coupée du reste de l'Ukraine, les forces russes en contrôlant les points stratégiques. Tout est en place pour une sécession rapide: l'homme d'affaires et «Premier ministre» de 41 ans, Serguiï Axionov, s'est autoproclamé «chef des armées» et les habitants n'ont désormais plus accès qu'aux chaînes de télévision russes. Des hommes en treillis fouillent tout voyageur arrivant à Simféropol et seuls les vols en provenance de Moscou peuvent y atterrir.

Entre Russes et Occidentaux, l'incompréhension reste totale, malgré plusieurs échanges ces dix derniers jours entre les chefs des diplomaties américaine, John Kerry, et russe, Sergueï Lavrov.

M. Kerry va rencontrer vendredi le premier ministre britannique à Londres avant ce qui ressemble aux discussions de la dernière chance avec Sergueï Lavrov.

Les Européens accélèrent le rapprochement avec l'Ukraine. Le volet politique de l'accord d'association avec l'Union européenne pourrait être signé au cours du prochain sommet de l'UE, prévu à Bruxelles les 20 et 21 mars.

La chancelière allemande Angela Merkel, dirigeante européenne la plus écoutée au Kremlin, a mis en garde Vladimir Poutine contre les graves conséquences économiques et politiques à long terme qu'aurait pour Moscou la poursuite de son action en Ukraine.

Et le Parlement européen a réclamé que l'UE prenne «dans les plus brefs délais» de nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie, comme un embargo sur les armes et des sanctions économiques. L'UE a déjà suspendu ses pourparlers avec Moscou en matière de visas.

À Moscou, le président de la commission des affaires étrangères de la Douma russe, Alexeï Pouchkov, a prévenu: toute sanction européenne contre la Russie débouchera sur des mesures réciproques, et pourra mener à «un gel sans précédent» des contacts politiques, «pire que pendant les années de Guerre froide».