Malgré la crise ukrainienne, Barack Obama s'en tiendra probablement au programme prévu pour ce premier lundi de mars. Il devrait donc accueillir à la Maison-Blanche Benyamin Nétanyahou, auquel il entend demander d'accepter l'accord-cadre sur les négociations israélo-palestiniennes qui est en cours de rédaction par le secrétaire d'État John Kerry.

Or, avant même de quitter Jérusalem, le premier ministre israélien a promis de résister aux «pressions» auxquelles il fera face à Washington sur le processus de paix ou la question iranienne. Traduction: le président américain pourra dire ce qu'il voudra, le chef du gouvernement israélien n'en fera qu'à sa tête.

Comme la plupart de ses prédécesseurs réélus, Barack Obama entend consacrer une bonne partie de son second mandat à la Maison-Blanche à la réalisation d'objectifs de politique étrangère. Il s'agit normalement d'un domaine où un président peut agir sans l'appui du Congrès et ajouter à son héritage politique.

Mais Benyamin Nétanyahou n'est évidemment pas le seul dirigeant international à tenir tête au 44e président des États-Unis, une dynamique qui ne semble pas échapper aux Américains. Pas moins de 53% d'entre eux estiment que Barack Obama n'est pas respecté par les autres dirigeants internationaux, selon un sondage Gallup publié au début de la semaine dernière.

À la fin de la même semaine, Vladimir Poutine a semblé leur donner raison en ignorant la mise en garde du président américain contre toute intervention militaire en Ukraine.

«Rarement une menace d'un président américain a-t-elle été écartée aussi rapidement et complètement», a écrit le Washington Post hier dans une analyse où Barack Obama était décrit comme un «ancien organisateur communautaire» et Vladimir Poutine comme un «ancien protagoniste de la guerre froide».

Diplomatie ou guerre

L'analyste présentait la crise ukrainienne comme un «test» de la préférence marquée du président américain pour la diplomatie sur la guerre. Comme d'autres critiques de la politique étrangère de Barack Obama, il ne semblait pas douter que cette préférence a convaincu plusieurs dirigeants internationaux, dont ceux de la Syrie et de la Russie, qu'ils n'avaient rien craindre des États-Unis.

On peut évidemment se demander ce que Barack Obama aurait pu dire ou faire pour empêcher Vladimir Poutine de déployer des soldats russes en Crimée et de menacer d'intervenir ailleurs en Ukraine. Mais il reste que la crise ukrainienne concrétise de façon retentissante l'échec des efforts de l'administration démocrate pour «reprogrammer» les liens de Washington avec Moscou après les tensions qui avaient prévalu sous l'administration Bush.

Cette crise met également en péril la voie diplomatique privilégiée par Barack Obama pour trouver une solution à la question iranienne et au conflit syrien, deux dossiers où la Russie est appelée à collaborer.

D'où cette impression d'impuissance en matière de politique étrangère qui se dégage de la Maison-Blanche et qui expose l'administration Obama aux critiques pointues de ses adversaires politiques aux États-Unis.

«Poutine joue aux échecs et je pense que nous jouons aux billes», a déclaré hier Mike Rodgers, président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, lors d'une entrevue sur la chaîne Fox. «Ils ont pris le dessus sur nous», a-t-il ajouté en dénonçant la position «naïve» des conseillers du président face à des Russes qui seront maintenant tentés selon lui d'envahir d'autres anciennes républiques soviétiques, dont la Moldavie.

Menaces de sanctions

L'administration Obama semble néanmoins croire qu'elle peut encore freiner et renverser ce que John Kerry a qualifié hier d'«incroyable acte d'agression» contre l'Ukraine. Après avoir remis en question la présence de la Russie dans le G8, le secrétaire d'État américain a annoncé que les États-Unis et leurs alliés se préparaient à mettre des sanctions en place et «à isoler économiquement la Russie».

«Le rouble est déjà en train de chuter. La Russie est confrontée à des défis économiques majeurs. Les entreprises américaines pourraient bien y réfléchir à deux fois avant de faire des affaires avec un pays qui se comporte de la sorte», a-t-il dit sur CBS après avoir accusé la Russie d'avoir violé «la souveraineté de l'Ukraine» et «ses obligations internationales».

Mais la Maison-Blanche n'en est encore qu'à l'étape des condamnations et des menaces. Il faudra voir si ses actions finiront à chasser ce sentiment d'impuissance qui mine la politique étrangère du président Obama.

En attendant, Benyamin Nétanyahou ne devrait sans doute pas trop s'inquiéter des pressions auxquelles il fera face à Washington. Son hôte a d'autres chats à fouetter ces jours-ci.