Les États-Unis ont haussé le ton vendredi contre la Russie à quelques heures du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement ukrainien samedi, sur fond d'opérations militaires russes en Crimée, en proie aux tensions séparatistes.

«Nous sommes profondément inquiets au sujet d'informations sur des mouvements de troupes entrepris par la fédération russe en Ukraine», a déclaré le président américain Barack Obama, depuis la Maison-Blanche.

«Les États-Unis seront solidaires de la communauté internationale pour souligner qu'il y aura un coût à toute intervention militaire en Ukraine», a-t-il mis en garde Moscou.

Selon un responsable du Pentagone, «plusieurs centaines de soldats» russes avaient été déployés en Crimée, où est basée la flotte de la Russie. Les autorités ukrainiennes de transition estiment elles que 2000 militaires russes ont été aérotransportés sur un aéroport militaire près de Simféropol, la capitale de cette région russophone.

Barack Obama, qui n'a pas confirmé ces informations, pourrait toutefois renoncer à participer au sommet du G8 prévu en juin à Sotchi, a affirmé sous couvert d'anonymat un haut responsable américain.

Une «agression» selon Kiev

Pour le nouveau gouvernement ukrainien, qui doit se réunir samedi pour son premier conseil des ministres, la présence de troupes russes en Ukraine est une «agression non dissimulée», d'après les mots du président par intérim Olexandre Tourtchinov.

Mais «la flotte russe de la mer Noire applique strictement les accords» conclus avec l'Ukraine, avait affirmé la Russie jeudi, arguant que le «déplacement de certains blindés de la flotte de la mer Noire s'était fait conformément aux accords et ne nécessitait aucune approbation» de Kiev.

La Crimée faisait partie de la Russie sous l'URSS et n'a été rattachée à l'Ukraine qu'en 1954. Profondément pro-russe et majoritairement russophone, elle a connu au cours des derniers jours une escalade des tensions séparatistes.

Ainsi, vendredi en fin d'après-midi, des hommes armés étaient présents sur plusieurs sites stratégiques de Simféropol, a constaté l'AFP. Des témoins ont également signalé vendredi soir des mouvements de véhicules blindés non identifiés entre Sébastopol et Simféropol.

Dans le centre de Simféropol, le Parlement local reste contrôlé par plusieurs dizaines d'hommes armés pro-russes, qui ont hissé jeudi le drapeau russe sur son toit. Les députés ont limogé le gouvernement local et voté la tenue le 25 mai d'un référendum pour plus d'«autonomie».

Photo Brendan Smialowski, AFP

Le président américain a reconnu que Moscou avait des intérêts en Ukraine.

Réapparition de Ianoukovitch

C'est dans ce contexte de plus en plus tendu que le président déchu Viktor Ianoukovitch, recherché en Ukraine pour «meurtres de masse» après la mort de 82 personnes à Kiev la semaine dernière, a refait surface vendredi à Rostov-sur-le-Don en Russie.

«Je suis le président légitime de l'Ukraine», a affirmé celui qui a aussi promis de «poursuivre la lutte pour l'avenir de l'Ukraine» au cours de sa première apparition en public depuis sa destitution.

M. Ianoukovitch, qui a déclaré avoir été contraint de quitter l'Ukraine après des menaces sur sa vie, a reçu la «protection» de la Russie face aux «extrémistes» et n'a pas reconnu les nouvelles autorités de Kiev, qui ont lancé une procédure pour obtenir son extradition.

«Ianoukovitch a perdu toute légitimité puisqu'il a failli à ses responsabilités. Il a quitté l'Ukraine», ont estimé les États-Unis après la conférence de presse du président destitué.

L'Occident inquiet

A la sortie vendredi d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU, l'ambassadrice américaine à l'ONU a annoncé que les États-Unis demandait l'envoi d'urgence d'une «mission internationale de médiation», «indépendante et crédible» en Crimée «pour commencer à faire baisser la tension» dans la région.

L'ambassadeur russe Vitali Tchourkine a de son côté immédiatement répondu que Moscou avait «pour principe de ne pas accepter les médiations imposées», ajoutant cependant que si les autorités régionales de Crimée étaient d'accord, il n'y voyait pas d'inconvénient.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie se sont portés garants de l'indépendance de l'Ukraine dans le Mémorandum de Budapest, signé en 1994, en échange de son renoncement aux armes nucléaires après la chute de l'Union soviétique dont elle faisait partie.

Les preuves de soutien au nouveau gouvernement ukrainien continuaient d'affluer vendredi.

Ainsi, la chancelière allemande Angela Merkel a assuré le nouveau Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk de son soutien, tandis que l'Autriche et la Suisse ont annoncé avoir gelé les avoirs d'une série de ressortissants ukrainiens à la demande du pouvoir de transition à Kiev.

La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, s'est par ailleurs voulue rassurante quant à la santé de l'économie ukrainienne, que beaucoup voient au bord de la banqueroute.

«Nous ne voyons rien d'alarmant, rien qui mérite de paniquer pour le moment», a-t-elle déclaré à Washington, appelant les autorités ukrainiennes à se garder d'évoquer des montants d'aide qui «n'ont pas de sens».