Le président ukrainien déchu Viktor Ianoukovitch a affirmé vendredi qu'il était toujours le chef de l'État et a promis de «poursuivre la lutte pour l'avenir de l'Ukraine», lors de sa première apparition en public depuis son renversement il y a une semaine.

«Personne ne m'a renversé. J'ai été contraint de quitter l'Ukraine sous une menace directe pour ma vie et celle de mes proches», a déclaré M. Ianoukovitch lors d'une conférence de presse à Rostov-sur-le-Don, ville du sud de la Russie proche de la frontière ukrainienne.

«Il est temps de dire que j'envisage de poursuivre la lutte pour l'avenir de l'Ukraine», a ajouté le président déchu, qui s'est exprimé pendant 1 heure 10 minutes.

M. Ianoukovitch a affirmé que de «jeunes nationalistes et pro-fascistes» avaient pris le pouvoir dans le pays après plusieurs mois de contestation s par des violences extrêmes qui ont fait des dizaines de morts.

Il a aussi affirmé ne pas avoir donné l'ordre de tirer sur les manifestants.

Les événements qui secouent actuellement la Crimée sont selon lui une «réaction naturelle» à une «usurpation de pouvoir» et un «coup d'État de bandits».

La Crimée, péninsule russophone en proie à des tensions séparatistes, doit continuer de faire partie de l'Ukraine, a souligné M. Ianoukovitch.

Le président déchu a affirmé qu'après son arrivée en Russie, il s'était entretenu avec le président russe Vladimir Poutine. M. Ianoukovitch n'a pas précisé à quel moment il était arrivé sur le territoire russe, mais a fait part de son étonnement sur le silence de Vladimir Poutine concernant les événements en Ukraine.

«La Russie doit et est obligée d'agir, et connaissant le caractère de Vladimir Poutine, je me demande pourquoi il est si réservé et pourquoi il garde le silence», a dit M. Ianoukovitch.

Mais «dès que j'aurai rencontré Poutine, je comprendrai sa position (sur la crise en Ukraine, NDLR). La Russie ne peut rester indifférente (...) au sort d'un partenaire si important que l'Ukraine», a observé M. Ianoukovitch.

«La Russie doit user de toutes les possibilités dont elle dispose pour mettre fin au chaos et la terreur en Ukraine. Mais je suis catégoriquement contre une invasion, une violation de la souveraineté de l'Ukraine», a-t-il dit.

M. Ianoukovitch a aussi estimé que les bouleversements et les victimes en Ukraine étaient le «résultat de la politique irresponsable de l'Occident, qui a montré trop d'indulgence envers Maïdan», la place de l'Indépendance à Kiev devenue le foyer de la contestation.

Il a élevé la voix à plusieurs reprises lorsqu'il a tempêté contre «la terreur», «l'anarchie», «le chaos» ou contre la responsabilité des Occidentaux, citant nommément les Américains.

«Le scénario n'a pas été écrit en Ukraine», a-t-il lancé devant 200 journalistes qui assistaient à cette conférence de presse sous haute sécurité.

Viktor Ianoukovitch a également promis de retourner en Ukraine une fois que sa sécurité personnelle serait assurée. Mais il a ajouté ne pas avoir l'intention de participer à l'élection présidentielle anticipée prévue le 25 mai, «illégale», selon lui.

Réunion du Conseil de sécurité vendredi après-midi 

Le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra une «réunion privée suivie de consultations», à huis clos, vendredi après-midi à New York sur la situation en Ukraine, ont annoncé les Nations unies.

La Lituanie, qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité en février, avait demandé cette réunion.

«Le Conseil de sécurité tiendra à 15 h une réunion privée suivie de consultations pour discuter de la situation en Ukraine», a annoncé le porte-parole de l'ONU Martin Nesirky.

Selon des diplomates, les ambassadeurs des 15 pays se réuniront pour entendre à huis clos des comptes-rendus de la situation donnés par l'ambassadeur ukrainien auprès de l'ONU et par le secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires politiques Jeffrey Feltman.

Il n'est pas certain que le Conseil publie une déclaration à l'issue de cette réunion car «les capitales ne veulent pas nécessairement traiter ce dossier à New York», a expliqué un diplomate du Conseil.

Un envoyé spécial du secrétaire général Ban Ki-moon, Robert Serry, est à Kiev depuis quelques jours pour prendre des contacts. Selon M. Nesirky, M. Serry est chargé de «transmettre le message de M. Ban»: soutien à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, «nécessité de réduire la tension» et appel au dialogue.

Interrogé sur la situation en Crimée, M. Nesirky a indiqué «ne pas avoir de commentaire particulier à faire». L'ONU, a-t-il souligné, «est évidemment préoccupée, suit la situation et appelle toutes les parties concernées à faire baisser la tension».

Ianoukovitch a perdu toute légitimité

Les États-Unis ont affirmé vendredi que le président déchu Viktor Ianoukovitch n'avait plus aucune légitimité à diriger l'Ukraine depuis sa fuite du pays.

«Nous estimons que Ianoukovitch a perdu toute légitimité puisqu'il a failli à ses responsabilités. Il a quitté l'Ukraine», a déclaré la porte-parole du département d'État, Jennifer Psaki.