Anders Behring Breivik, jugé pour la mort de 77 personnes l'an dernier en Norvège, a affirmé jeudi qu'il ne ferait pas appel s'il était reconnu pénalement responsable, comme il le souhaite, même si cela lui promet une lourde peine de prison.

«Il n'y a absolument aucune raison de faire appel si je suis déclaré responsable», a déclaré l'extrémiste de droite devant le tribunal d'Oslo.

Breivik, qui se veut un croisé luttant contre «l'invasion musulmane» et le multiculturalisme en Europe, tient à être reconnu sain d'esprit pour ne pas voir son idéologie invalidée par un diagnostic de démence.

Au 24e jour d'un procès qui, de son propre aveu, devait servir de tribune idéologique, l'accusé a estimé qu'il avait réussi à suffisamment diffuser ses idées.

«Mes commentaires n'ont pas été retransmis à la télévision, mais au moins, leur retranscription a été diffusée», a-t-il dit.

La santé mentale de Breivik, qui reconnaît les faits reprochés, mais refuse de plaider coupable, est au coeur de son procès.

L'extrémiste de 33 ans a été déclaré psychotique et donc pénalement irresponsable par une première expertise psychiatrique officielle l'an dernier, mais celle-ci a ensuite été infirmée par une contre-expertise qui a conclu qu'il était suffisamment sain d'esprit pour pouvoir répondre de ses actes.

Le 22 juillet, Breivik avait tué 69 personnes, des adolescents pour la plupart, en ouvrant le feu sur des jeunes travaillistes réunis en camp d'été sur l'île d'Utoya. Il en avait auparavant tué huit autres à Oslo en posant une bombe près du siège du gouvernement norvégien.

In fine, il reviendra aux cinq juges de se prononcer sur sa santé mentale dans leur verdict attendu en juillet.

Pour prendre leur décision, ils pourront s'appuyer sur les explications des auteurs des évaluations officielles, appelés à témoigner à la mi-juin, mais aussi d'autres spécialistes en psychiatrie.

«La question d'un appel ou non repose donc dans les mains des juges», a ajouté Breivik jeudi, dans une invitation implicite à la Cour pour qu'elle le déclare sain d'esprit.

Lors d'une brève intervention, il s'est expliqué sur son absence apparente de réaction en entendant les témoignages souvent poignants des survivants de la tuerie d'Utoya.

«Il a été dit que je ne montre aucune émotion au tribunal, mais il convient de noter que j'utilise beaucoup d'énergie pour cela», a précisé l'extrémiste, affirmant qu'il était en réalité «presque mentalement blessé» par ces témoignages.

Au début du procès, Breivik avait expliqué qu'il s'était longuement entraîné à maîtriser ses émotions en vue de perpétrer ses attaques «atroces, mais nécessaires» et de pouvoir s'en expliquer sans «s'effondrer mentalement».

S'il est reconnu pénalement irresponsable, il risque l'internement psychiatrique à vie. Responsable, il encourt 21 ans de prison, une peine qui pourrait être prolongée aussi longtemps qu'il sera jugé dangereux.

Son avocat Geir Lippestad a confirmé que son client lui avait dit ne pas vouloir faire appel, mais a laissé planer quelques doutes.

«C'est effectivement ce qu'il dit», a déclaré Me Lippestad à l'AFP. «Mais il faut encore voir si c'est bien ce qu'il fera», a-t-il ajouté.

Ce rebondissement survient alors que la qualité des deux expertises psychiatriques officielles fait débat.

La première, qui avait conclu en novembre 2011 que Breivik souffrait de «schizophrénie paranoïde», avait été validée sans problème par une commission médico-légale chargée de contrôler la qualité des expertises psychiatriques judiciaires.

Mais ses conclusions avaient provoqué un tollé, forçant la justice à ordonner une contre-expertise.

Celle-ci a conclu en avril que Breivik ne présentait aucun signe de psychose, mais la commission médico-légale a émis un avis très ambigu sur sa qualité.

Jeudi, le tribunal d'Oslo a donc officiellement demandé à cette même commission de clarifier sa position avant le 1er juin.