L'extrémiste de droite norvégien Anders Behring Breivik, auteur d'une tuerie qui a fait 77 morts en 2011, a imputé jeudi sa radicalisation en prison à son isolement prolongé, un point central du procès qui l'oppose à l'État norvégien.

« Je suis devenu plus radical. J'étais radical au départ, mais ces cinq dernières années, je suis devenu beaucoup plus radical », a affirmé Breivik dans sa déposition au troisième jour de l'examen de l'appel de l'État, condamné l'an dernier pour violation des droits de l'homme en lien avec les conditions de détention de l'extrémiste de 37 ans.

Le 22 juillet 2011, déguisé en policier, Breivik avait traqué pendant plus d'une heure les participants d'un camp d'été de la Jeunesse travailliste piégés sur l'île d'Utoya et abattu 69 d'entre eux, pour la plupart adolescents. Un peu plus tôt, il avait tué huit autres personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo.

Il a été condamné en août 2012 à une peine de 21 ans de prison susceptible d'être prolongée indéfiniment.

En prison, l'auteur des attaques les plus sanglantes perpétrées sur le sol norvégien depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jouit de conditions matérielles confortables, disposant de trois cellules dotées de téléviseurs, de jeux vidéo et d'appareils de musculation.

La Norvège a pourtant été condamnée en avril dernier pour traitement « inhumain » et « dégradant » en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En cause : l'isolement prolongé de Breivik, incarcéré pour des raisons de sécurité à l'écart des autres prisonniers depuis cinq ans et demi.

Ce régime de détention rend le détenu « mentalement vulnérable », selon son représentant, Oystein Storrvik, qui réclame pour son client la possibilité de côtoyer d'autres prisonniers.

« Je suis lourdement affecté par l'isolement et la radicalité est peut-être la séquelle la plus grave de mon isolement », a insisté Breivik à la barre.

Ces déclarations contrastent avec le portrait brossé la veille par le Procureur général chargé de représenter l'État, Fredrik Sejersted. Il avait décrit un détenu dans « une forme physique et psychologique extraordinaire » qui a même écrit une lettre de remerciement au personnel pénitentiaire l'an dernier.

Un procès dénué d'idéologie ?

L'État conteste la notion d'isolement, faisant valoir les multiples activités proposées à Breivik, sa correspondance avec le monde extérieur et ses nombreuses interactions avec les surveillants, le personnel médical, des pasteurs, ses avocats ou encore un visiteur de prison.

Rapports psychiatriques à l'appui, M. Sejersted a assuré mercredi que le détenu restait un personnage dangereux, ce qui justifiait son régime carcéral strict et le contrôle de ses contacts avec le monde extérieur.

Jeudi, Breivik a affirmé avoir renoncé à instrumentaliser son procès pour chercher à propager son idéologie comme il l'a fait dans le passé au grand dam des proches de ses victimes.

Cela ne l'a pas empêché de faire un salut nazi au premier jour de la procédure et de se présenter jeudi comme « secrétaire général » d'un parti qui n'existe pas.

Alors que la Norvège cherche à tourner la page sur ce chapitre douloureux de son histoire, le groupe de soutien aux familles des victimes a appelé les médias à la plus grande retenue. « C'est particulièrement pesant pour bon nombre d'entre nous quand l'auteur des crimes bénéficie de beaucoup d'attention dans les médias », a-t-il indiqué sur son site.

Délocalisée pour des raisons de sécurité dans la prison de Skien (sud) où Breivik est incarcéré, la Cour d'appel d'Oslo doit aussi se prononcer sur un autre point, soulevé par Breivik celui-là.

En avril, la juge avait donné raison à l'État, qui filtre étroitement la correspondance de Breivik afin de l'empêcher de former un réseau capable de perpétrer de nouvelles attaques. Lui estime que cela viole l'article 8 de la Convention des droits de l'homme sur le droit à une vie privée.

Le procès doit durer jusqu'au 18 janvier, avec un jugement attendu en février.