Des témoins ont relaté jeudi devant le tribunal d'Oslo comment Anders Behring Breivik, déguisé en policier, les avait dupés le 22 juillet 2011 pour pouvoir se rendre sur l'île où il allait commettre un carnage.

«On dégage une certaine autorité quand on arrive en uniforme de policier», a expliqué Simen Braeden Mortensen devant le tribunal d'Oslo au 11e jour du procès de l'extrémiste de droite.

Chargé de contrôler les personnes voulant embarquer pour Utoya où se tenait un camp d'été de la Jeunesse travailliste, le jeune vigile se souvient comment Breivik lui a expliqué avoir été envoyé par précaution après l'attentat à la bombe qui venait de ravager le siège du gouvernement à Oslo ce jour-là.

Il tique certes en le voyant descendre d'une Fiat civile, a-t-il expliqué à la Cour, mais la fausse carte du PST, le service de renseignement intérieur, que Breivik porte autour du cou a raison de ses soupçons.

«J'ai cru que c'était une pièce d'identité policière légitime», a dit M. Braeden Mortensen.

Passé ce premier obstacle, Breivik peut embarquer sur le ferry MS Thorbjoern, immobilisé sur Utoya après l'attentat d'Oslo, mais exceptionnellement envoyé sur l'autre rive pour convoyer le faux policier.

Témoin très attendu, le capitaine du ferry, Jon Olsen, a expliqué comment il a lui-même aidé à transporter une caisse qui s'avérera pleine de munitions, puis comment il s'est enfui après les premiers coups de feu, laissant derrière lui sa concubine morte et sa fille désemparée.

«Je passe le plus clair de mon temps à me demander si j'aurais pu agir autrement. À chaque fois, j'arrive à la conclusion que j'ai agi comme il le fallait», a déclaré M. Olsen à la barre, sous le regard imperturbable du tueur.

Juste après avoir débarqué la lourde caisse que Breivik dit remplie d'équipements de détection d'explosifs, le capitaine du ferry voit le faux policier abattre sa première victime, le vigile du camp.

À ce jour, M. Olsen peine encore à se rappeler s'il voit, immédiatement après, Breivik tourner son arme sur sa compagne Monica Boesei, la «matriarche» de l'île.

«Je pense alors qu'il s'agit d'un exercice, mais, d'un autre côté, j'imagine que j'aurais été au courant», s'est souvenu M. Olsen.

Paniqué, il prend la fuite puis, au terme d'un long détour, parvient à regagner le MS Thorbjoern avec lequel il appareille accompagné des quelques personnes qui ont trouvé refuge à bord.

«Il fallait mettre le bateau loin de là», a-t-il expliqué.

«C'était totalement silencieux. Je pensais que le ciel allait bientôt être rempli d'hélicoptères, que le fjord serait couvert de bateaux et de gyrophares, mais non, rien ne se produisait», a-t-il précisé.

Informé que sa fille est saine et sauve, le capitaine aidera ensuite à convoyer les services de secours sur l'île et à en évacuer morts et blessés.

Les attaques du 22 juillet ont fait au total 77 morts dont 69 sur l'île, parmi lesquels de nombreux adolescents.

Sur Utoya, la police a retrouvé 189 douilles vides ainsi que 1139 munitions non utilisées, a expliqué l'inspecteur Goeran Dyvesveen jeudi.

Photos à l'appui, il a présenté à la Cour l'arsenal que Breivik avait sur lui: un fusil Ruger équipé de lunettes de tir et d'une baïonnette, un pistolet Glock avec viseur laser, une veste remplie de chargeurs, des liens en plastique pouvant servir de menottes, des bottes rangers équipées de pointes au talon...

Sur ses armes, Breivik avait gravé ou écrit avec des caractères de l'alphabet runique les noms qu'il leur avait donnés, inspiré de la mythologie norroise: Mjolnir pour le pistolet et Gungnir pour le fusil.

S'il reconnaît les faits, l'extrémiste de 33 ans plaide non coupable, qualifiant son geste d'«attaques préventives contre les traîtres à la patrie» coupables à ses yeux de livrer la Norvège au multiculturalisme et à «l'invasion musulmane».

S'il est déclaré pénalement irresponsable, l'accusé risque l'internement psychiatrique à vie. Responsable, il encourt 21 ans de prison, une peine qui pourrait être prolongée aussi longtemps qu'il sera jugé dangereux.

En dernier ressort, il reviendra aux juges de trancher la question de sa santé mentale dans leur verdict, attendu en juillet.