Trois jours à peine après la fusillade meurtrière de l'école Sandy Hook, Newtown commence déjà à enterrer ses jeunes disparus, pendant que l'administration scolaire de la ville prépare la reprise des classes pour les survivants de la tuerie.

Deux premières cérémonies funèbres ont eu lieu ce lundi après-midi.

D'abord, le petit Jack Pinto, six ans, a été porté à son dernier repos après une cérémonie sobre au salon funéraire Honan de Newtown. Des dizaines de personnes ont fait la file en cette journée pluvieuse et glaciale pour aller dire adieu au petit garçon qui, sur la photo qui circule de lui, arbore fièrement sur la joue un tatouage des Giants de New York, une équipe de la NFL. Un joueur de Giants, Victor Cruz, a d'ailleurs rendu hommage aux victimes et au petit Jack particulièrement, en inscrivant sur ses espadrilles à crampons «Jack Pinto, my hero».

Parmi ces gens, le gouverneur du Connecticut, Dannel Malloy, et beaucoup d'enfants. Parmi ces derniers, plusieurs qui portaient par dessus une chemise et des pantalons chic le T-shirt du club de lutte de Newtown, dont faisait partie Jack Pinto, comme son grand frère, toujours bien en vie celui-là.

«Je ne connaissais pas beaucoup Jack, mais j'étais ami avec son frère, a raconté un garçon de 11 ans qui portait fièrement son chandail de l'équipe de lutte, et qui retournera à l'école demain. Ça va aller. Ce sera une journée comme les autres», a raconté le petit garçon avec confiance.

Le groupe s'est ensuite dirigé vers le cimetière pour y porter le tout petit cercueil en terre.

C'est une scène similaire qui s'est déroulée à Fairfield, où c'est dans ce cas un rabbin qui a souligné le départ de Noah Pozner, six ans lui aussi. Il a été porté en terre dans un cercueil en bois de facture modeste.

C'est à ça que ressembleront les deux prochaines semaines pour les gens de Newtown. Des funérailles, à tous les jours. Parfois plus d'une fois par jour.

Mais pendant ce temps, la vie doit continuer malgré tout.

Ainsi, demain, mardi, les écoles de la ville, fermées depuis vendredi, rouvriront leurs portes. Sauf Sandy Hook, évidemment.

Les autorités policières ont indiqué qu'ils maintiendraient close l'école du quartier de Sandy Hook pour plusieurs mois à titre de scène de crime.

Les élèves de la maternelle à la quatrième année seront donc relocalisés dans une école mise au rancart par la ville de Monroe, située à 15 minutes au sud de Sandy Hook.

La Chalk Hill School fourmille de travailleurs qui s'affairent à la rendre utilisable à nouveau. Des camions y acheminent du matériel scolaire, escortés par les policiers. Des policiers qui sont d'ailleurs partout depuis vendredi. Ils s'assurent de préserver l'intégrité de tous les lieux associés au drame et à ses acteurs. L'école, la rue où résidait Adam Lanza, certains sites où sont rencontrés les parents des victimes, sont hermétiquement bouclés par les agents. À Monroe, on ne peut même pas arrêter sa voiture devant la future école des enfants, qui se trouve pourtant à 200 mètres de la route. La police nous interdit même de la regarder.

Un intervenant de la Croix-Rouge qui accompagne les familles des victimes depuis les premières heures vendredi croit qu'il serait préférable que jamais l'école primaire de Sandy Hook ouvre à nouveau.

«Ce ne sera pas évident pour les enfants d'y retourner. Ils y ont vu mourir des amis, des professeurs. Peut-être devrait-elle être rasée et transformée en parc à la mémoire des victimes», croit l'homme qui préfère ne pas voir son nom être mentionné.

Il croit en revanche qu'il n'est pas trop tôt pour renvoyer ces tous jeunes enfants à l'école.

«Il faut qu'ils retournent rapidement à l'école. Si ça traîne, les enfants vont sentir que la situation est hors de contrôle et ce sera plus dommageable. Leur vie doit revenir à ce qui s'apparente à la normale le plus vite possible», dit l'homme.

Vendredi, cet homme a été appelé à l'école de Sandy Hook alors que la panique ne s'y était pas encore dissipée.

«Nous étions dans la caserne des pompiers, tout près, à 13h, avec les parents. En fin de journée, nous les avons renvoyés chez eux. Évidemment, certains n'avaient pas encore de nouvelles de leurs enfants. Ça a été ainsi jusqu'à minuit avant qu'on aille chez eux pour leur confirmer les décès. Ça été long, le temps de passer la scène de crime au peigne fin, d'identifier tout le monde avec les photos qui avaient été fournies. On n'avait pas le droit à l'erreur. C'est certain qu'à partir du moment où leurs enfants n'étaient pas de ceux évacués, ils se doutaient qu'ils étaient parmi les décédés, à 99%. Mais il leur restait une petite lueur d'espoir. Ils se disaient que leur enfant était peut-être caché dans un garde robe et qu'il n'avait pas été trouvé», raconte l'homme dans la soixantaine.

Il travaille depuis dans un centre d'accompagnement mis sur pied par l'organisme à Newtown, et strictement réservé aux familles impliquées dans le drame.