L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, arrêté lundi à Abidjan, a été transféré mercredi dans le nord du pays, tandis que son successeur Alassane Ouattara a demandé à la Cour pénale internationale d'enquêter sur des accusations de massacres visant notamment ses partisans.

M. Gbagbo, qui avait refusé pendant quatre mois de reconnaître sa défaite à la présidentielle, plongeant le pays dans une quasi-guerre civile, avait été arrêté lundi dans la résidence présidentielle et conduit dans la foulée à l'hôtel du Golf, quartier général de M. Ouattara, après une guerre de 10 jours.

«À l'heure où je vous parle, Monsieur Laurent Gbagbo n'est plus à l'hôtel du Golf, il est en Côte d'Ivoire, bien sécurisé», a déclaré M. Ouattara au cours d'une conférence de presse.

Le porte-parole de la mission des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), Hamadoun Touré, a dit à l'AFP qu'il avait été transféré en hélicoptère «dans le nord du pays».

À New York, au siège de l'ONU, le président en exercice du Conseil de sécurité, l'ambassadeur colombien Nestor Osorio, a précisé que M. Gbagbo avait été transféré «dans une résidence présidentielle dans le nord du pays».

Une fille de Laurent Gbagbo a saisi des avocats français pour étudier la «légalité» de l'arrestation de ses parents ainsi que celle de l'intervention militaire française en Côte d'Ivoire.

Pour sa part, le premier ministre kényan Raila Odinga, qui avait fait office de médiateur dans la crise ivoirienne, a préconisé d'amnistier l'ex-président en vue d'apaiser les tensions.

«J'ai parlé d'amnistie parce que je ne crois pas qu'un châtiment (...) résoudra les problèmes de la Côte d'Ivoire», a-t-il déclaré aux analystes du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington.

Alassane Ouattara a promis de quitter son hôtel-QG pour s'installer au palais présidentiel, désormais sécurisé par l'ONU, «d'ici la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine».

Depuis la présidentielle du 28 novembre 2010, M. Ouattara et son équipe étaient retranchés au «Golf», soumis à partir de la mi-décembre à un blocus des forces pro-Gbagbo, levé la semaine dernière.

Dans l'intérieur du pays, la situation humanitaire reste très difficile, notamment dans l'Ouest où les combattants des deux camps ont été accusés d'exactions par l'ONU et des ONG.

Alassane Ouattara a annoncé qu'il allait «demander au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d'engager des investigations» sur les massacres survenus dans l'Ouest.

«Ces massacres sont inadmissibles, indignes (...), je suis révolté», a-t-il ajouté avec émotion, alors que ses partisans sont accusés d'être responsables de certaines tueries, survenues notamment fin mars à l'occasion de l'offensive victorieuse de ses combattants lancée à partir de cette région.

À Abidjan, les autorités tentaient toujours mercredi de contenir le chaos qui règne dans la capitale économique du pays.

Des patrouilles ivoiriennes et françaises vont circuler à Abidjan pour montrer qu'un «Etat de droit se met en place», a annoncé à Paris le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, sans préciser quand débuteraient ces patrouilles.

M. Ouattara a promis la «pacification totale» du pays d'ici «un à deux mois», et que ses propres éléments seraient radiés immédiatement en cas de pillages, une activité largement répandue dans leurs rangs ces derniers jours.

À Abidjan, les stocks alimentaires du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été entièrement dérobés ces derniers jours par une «bande armée», conduisant à un arrêt des distributions de nourriture sur place, a indiqué mercredi l'agence onusienne.

«Trois mille tonnes de nourriture que nous avions dans notre magasin à Abidjan ont tout simplement disparu, ont été pillés», a expliqué à Genève le directeur du PAM en Côte d'Ivoire, Alain Cordeil.

Le responsable des opérations de maintien de la paix à l'ONU, Alain Le Roy, a estimé que la Côte d'Ivoire est encore un pays «dangereux», avec «toujours des combats et des pillages». Les violences post-électorales ont fait près de 900 morts selon l'ONU, dont la moitié à Abidjan.

L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International a appelé l'Onuci à «renforcer de manière significative» la protection des «dizaines de milliers de civils déplacés» par le conflit.

Enfin, Alassane Ouattara a assuré que l'exportation de cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial et qui avait cessé en raison des sanctions internationales visant Laurent Gbagbo, allait reprendre «immédiatement».