La messe du dimanche a été empreinte de tristesse dans la petite église Notre-Dame-de-Czestochowa, hier matin, où des centaines de Montréalais d'origine polonaise ont souligné non pas une, mais deux tragédies.

Une cérémonie spéciale était déjà prévue dans l'église du quartier Centre-Sud pour commémorer le massacre de Katyn, tragédie qui a coûté la vie à 22 000 officiers polonais il y a 70 ans. Mais hier, le deuil était double. Près de 500 fidèles se sont joints aux vétérans et aux cadets pour souligner la tragédie aérienne qui a décimé la classe politique et militaire de la Pologne.

 

«Maintenant, nous avons deux tragédies à souligner», a soupiré Leon Nowacki, vêtu d'un uniforme militaire.

M. Nowacki a rencontré plusieurs militaires de haut rang et politiciens qui se trouvaient à bord de l'avion qui s'est écrasé à l'ouest de Smolensk, samedi matin. En septembre dernier, il a été reçu au palais présidentiel polonais pour une cérémonie spéciale à la mémoire du massacre de Katyn.

Comme lui, plusieurs Montréalais d'origine polonaise ont été profondément bouleversés par la tragédie, même s'ils vivent à des milliers de kilomètres de leur terre natale.

«Nous, les Polonais en exil, nous sommes beaucoup plus patriotiques que ceux qui sont en Pologne», a lancé Krystyna Piwek, rencontrée à l'entrée de l'église.

À l'intérieur, des cadets et des vétérans en uniforme militaire portaient des drapeaux rouge et blanc. Des enfants étaient vêtus d'habits traditionnels. Devant l'autel, on pouvait voir une photo du président Kaczynski et de sa femme, Maria. Dehors, des gamins en tenue du dimanche jouaient à cache-cache au pied de la statue de Jean-Paul II, l'unique pape polonais.

«En apprenant la nouvelle, je n'en croyais pas mes oreilles, a confié le président de la section québécoise du Congrès canadien polonais, Edward Sliz, après la messe. C'est un moment de grande tristesse, pas seulement pour moi, mais aussi pour l'ensemble de la communauté polonaise.»

Le consul général de la Pologne à Montréal, Tadeusz Zylinski, s'est adressé aux fidèles pour rendre hommage au président Kaczynski, qu'il connaissait personnellement. Les deux hommes ont été professeurs de droit du travail à l'université dans les années 70, et se sont souvent rencontrés lors de congrès.

«C'était un intellectuel et un homme très chaleureux, a confié le diplomate. C'est un jour triste et très, très difficile parce que j'ai perdu plusieurs collègues, dont mon ancien patron, le chef du protocole diplomatique.»

Selon des bilans officiels, 96 personnes ont péri dans l'accident. Parmi les victimes figurent également le président de la Banque centrale polonaise, Slawomir Skrzypek, le chef d'état-major des forces armées, Franciszek Gagor, ainsi que les principaux chefs de l'armée polonaise.

Samedi, quelques heures après la tragédie, les cris joyeux des enfants en récréation contrastaient avec les visages longs et atterrés des enseignants de l'école primaire polonaise de Montréal, située dans la cour du consulat général.

«Ce matin, les parents qui sont venus déposer leurs enfants à l'école étaient vraiment secoués», a raconté Anne-Marie Dziewiszek, bibliothécaire. Avant le début des classes, nous avons rassemblé tous les enfants pour leur parler de ce qu'il s'était passé et pour observer une minute de silence. Nous leur avons aussi parlé de Katyn, mais pour eux, c'est très difficile à comprendre.»