La Corée du Nord, «championne de la paix» et sa voisine du Sud, «déclencheur de la guerre»? C'est en tout cas l'avis de la capitale nord-coréenne, après avoir levé le nez sur les manoeuvres militaires pilotés par la Corée du Sud, hier, dans l'île de Yeonpyeong. Le «désastre», brandi par la Corée du Nord et redouté par le reste du monde, n'a pas eu lieu.

Q: Pourquoi la Corée du Sud a-t-elle tenu des exercices militaires hier?

R: Le 23 novembre dernier, la Corée du Nord a tiré 170 obus sur l'île de Yeonpyeong, en réponse à des manoeuvres militaires sud-coréennes effectuées près de la frontière maritime entre les deux Corées. Cette attaque avait fait quatre morts sud-coréens, deux militaires et deux civils. Séoul, qui a toujours maintenu avoir le droit d'effectuer ses essais militaires dans la zone où elle se trouvait, a décidé d'en tenir de nouveaux hier matin. «Ces exercices sont des exercices routiniers et légitimes que la Corée du Sud a tenus régulièrement ces dernières décennies pour défendre les îles du Nord-Ouest», a déclaré un militaire sud-coréen de haut rang au journal Korea Times.

Q: Comment a réagi la Corée du Nord?

R: Plutôt froidement. La Corée du Nord, a déclaré son agence officielle KCNA, «ne ressent pas le besoin de représailles après chaque provocation militaire méprisable, comme le ferait quelqu'un cherchant vengeance après avoir pris un coup». Les manoeuvres militaires sud-coréennes sont le résultat d'«un scénario fourbe» mis en oeuvre par «les impérialistes américains et leurs marionnettes militaires belliqueuses de Corée du Sud» pour provoquer une réaction militaire de la Corée du Nord, a ajouté le communiqué de KCNA.

Q: Le «désastre» promis par la Corée du Nord dans le cas de manoeuvres militaires de la Corée du sud n'a donc pas eu lieu. Pourquoi?

R: Pyongyang avait menacé sa voisine et le monde entier d'un «désastre» si la Corée du Sud allait de l'avant, ajoutant que ses frappes de représailles «détruireraient les bases (militaires)» des États-Unis et de la Corée du Sud. Alors que tout le monde s'attendait au pire, le Nord a effectivement répliqué... avec un communiqué. «Le monde devrait savoir réellement qui est le véritable champion de la paix et qui est le véritable déclencheur de la guerre», a déclaré l'agence de presse nord-coréenne. Que s'est-il passé? L'ancien haut diplomate américain Bill Richardson, en visite non officielle hier à Pyongyang, a déclaré que la délégation «avait peut-être eu un petit impact». D'autres analystes ont suggéré que la Corée du Nord préfère choisir elle-même où et quand elle frappera, dans le but de déstabiliser le gouvernement sud-coréen. «Même si le gouvernement actuel s'entête, il y a des chances que les perturbations économiques et un malaise généralisé contribueront à sa défaite électorale, laissant la place à un successeur plus ouvert aux compromis», note l'historien Andrei Lankov, de l'Université Kookmin de Séoul, dans une lettre publiée dans le Korea Times.

Q: Qu'en pensent les Sud-Coréens?

R: La plupart des civils encore dans l'île seraient mal à l'aise, selon le Korea Times. Certains anciens résidants, évacués sur le continent après l'attaque de novembre, craignent que l'exercice militaire puisse pousser le Nord à tirer encore des obus vers leur île. D'autres voient l'exercice carrément comme une provocation pouvant mener à la guerre dans la péninsule. À Séoul aussi, les citoyens étaient inquiets. Une dame avait notamment fait des provisions d'eau embouteillée et de nouilles ramen. Néanmoins, la patience des Sud-Coréens envers le Nord semble avoir atteint ses limites après l'attaque du 23 novembre. Edward Reed, chercheur américain installé en Corée du Sud pour la Asia Fundation, écrivait au début du mois que tant l'homme de la rue que les éditorialistes en sont désormais arrivés à la même conclusion: «Depuis 15 ans, nous leur donnons du riz et des engrais pour leur permettre de survivre. Maintenant, ils se servent de nos cadeaux pour nous attaquer.» La colère des Sud-Coréens est également dirigée vers la Chine, à laquelle ils ne font plus confiance pour raisonner leurs frères du Nord.

Q: De son côté, la Corée du Nord a accepté hier le retour des inspecteurs nucléaires de l'ONU, qu'elle avait chassés en avril 2009. Qu'en pensent les Américains?

R: Ils sont sceptiques. «Nous nous fierons à ce que fait la Corée du Nord, pas à ce qu'elle affirme qu'elle pourrait faire», a déclaré le porte-parole du département d'État Philip Crowley.

Avec AFP, New York Times et Korea Times