Dénoncés comme autant de provocations par la communauté internationale, l'essai nucléaire et les tirs de missiles nord-coréens s'inscrivent également dans une «bataille de 150 jours» lancée par Pyongyang pour stimuler le sentiment de fierté nationale parmi la population. Avec, d'après les observateurs, pour but ultime de préparer la succession prochaine du leader vieillissant du régime, Kim Jong Il.

Entamée début mai, cette campagne de cinq mois vise officiellement à augmenter le rendement économique du pays et s'appuie notamment sur des affiches placardées un peu partout dans la capitale Pyongyang vantant les mérites des travailleurs nord-coréens.Mais, pour Cheong Seong-chang, de l'institut de recherches sud-coréen Sejong, il s'agit avant tout d'une «manoeuvre politique». «Je pense que la campagne a pour but de préparer des accomplissements dont pourra plus tard se targuer le successeur», explique-t-il.

Cette «bataille des 150 jours» doit culminer début octobre, pour l'anniversaire de la création du Parti des travailleurs, unique formation politique du régime communiste. La Corée du Nord pourrait alors tenir une convention nationale, la première depuis 1980, lors de laquelle sera annoncé le nom du successeur de Kim Jong Il, âgé de 67 ans et dont la santé semble de plus en plus fragile.

Selon Cheong Seong-chang, le processus ressemble à celui mené par le fondateur de la Corée du Nord, Kim Il Sung, pour passer la main à son fils Kim Jong Il. Kim Il Sung s'était ainsi arrangé pour que son successeur récolte les fruits d'une «bataille de 70 jours» menée en 1974.

La décision de succession avait été annoncée lors de la convention de 1980 et Kim Jong Il avait pris la tête du pays à la mort de son père en 1994.

Le dirigeant nord-coréen, qui aurait souffert d'une attaque cérébrale en août 2008, souhaitait nommer son successeur en 2012 et a lancé l'année dernière une série de projets de développement économique censés faire de la Corée du Nord «une grande nation prospère et puissante» d'ici là. Selon les témoignages des transfuges et des rares visiteurs autorisés à entrer dans ce pays fermé, des projets de construction et de rénovation urbaine ont depuis vu le jour un peu partout.

Mais, selon les spécialistes de la Corée du Nord, sa santé défaillante a contraint Kim Jong Il à accélérer le processus. D'où le lancement de la «bataille des 150 jours». «Il ne peut plus reporter la succession, étant donné sa santé», juge Cheong Seong-chang. «L'essai nucléaire montre que Kim n'a plus le temps», ajoute Kim Yong-hyun, de l'université Dongguk de Séoul.

Selon ces analystes, la manifestation organisée mardi à Pyongyang pour fêter l'essai nucléaire de la veille trahit la stratégie du pouvoir nord-coréen: renforcer la fierté nationale afin d'assurer une succession en douceur.

«Je pense que le plan de succession tient toujours et que (l'essai nucléaire) est un moyen de solidifier le transfert du pouvoir», souligne Peter Beck, spécialiste des affaires coréennes à l'université de Washington. «Le test de missile était clairement destiné à la scène intérieure».

Reste encore à choisir le futur successeur de Kim Jong Il, père de trois fils.

Le plus âgé, Kim Jong Nam, semble avoir perdu les faveurs de son père après avoir été arrêté alors qu'il tentait de se rendre au Japon avec un faux passeport dominicain, apparemment pour aller à Disneyland. Selon un ancien employé de Kim Jong Il, le dirigeant considère son cadet Kim Jong Chol comme trop efféminé pour le poste, même si un transfuge estime qu'il reste en lice. Vient alors le benjamin Kim Jong Un, 26 ans, présenté comme le favori à la succession.