Le pape François a imprimé en un mois de pontificat un style chaleureux, direct, simple, radicalement différent de celui plus timide de son prédécesseur Benoît XVI, mais il prend prudemment son temps pour dévoiler les grands axes de son action.

L'atmosphère des Angelus du dimanche et des audiences générales du mercredi a profondément changé: la foule, plus nombreuse, semble très réactive, alors que lors des catéchèses de Benoît XVI, elle restait souvent figée. La popularité de François dépasse les cercles chrétiens.

Mercredi encore, le pape a commencé par un très long tour en jeep blanche découverte, qui doit donner des maux de tête aux services de sécurité.

Après l'audience, il s'est avancé à pied vers la foule massée derrière des barrières, prenant beaucoup de temps pour saluer, discuter, prendre des cadeaux et des dessins d'enfants, s'immergeant véritablement dans la diversité des fidèles catholiques, comme s'il en avait besoin pour son inspiration.

Comme chaque semaine, il a ensuite salué un à un et longuement des handicapés en chaises roulantes.

Le rituel du «baciamano», le salut des prélats et des personnalités, n'est en revanche plus aussi long.

Lors de la traditionnelle catéchèse, le pape argentin a adopté un langage compréhensible par chacun, mais sur le fond très religieux.

Ainsi il a invité les fidèles à prier et appeler Dieu «papa, ce qu'il est pour nous». Une familiarité qui ne plaira pas aux  traditionalistes catholiques, déjà offusqués par tous ses abandons de rites divers depuis son élection le 13 mars.

À part quelques exceptions en espagnol, Jorge Bergoglio  s'exprime en italien, langue du Vatican, et comme s'il voulait aussi souligner l'origine italienne de sa famille.

François ne dit rien, contrairement à Benoît XVI, en français, anglais ou allemand, qu'il comprend mais qu'il maîtrise peut-être mal à l'oral.

Lors du message pascal «urbi et orbi», il a carrément laissé de côté le salut en 65 langues. Il a abandonné en un mois divers habits, objets, rites symboliques que son prédécesseur, par attachement à la tradition millénaire de l'Église, avait réintroduits.

François a opté souvent pour des symboles de simplicité et de pauvreté, conformément au charisme de François d'Assise, dont il a choisi le nom.

Il met l'accent sur la «mission» (annonce de l'Évangile) dans les situations les plus hostiles, et la «miséricorde», parlant de la souffrance concrète des gens et s'élevant contre une Église «mondaine».

Le message ne s'éloigne pas de celui de son prédécesseur allemand, mais il est plus bref et simple.

Une grande nouveauté est la messe quotidienne à la résidence Sainte-Marthe, où il a choisi pour l'heure de loger, visiblement peu pressé de rejoindre l'immense appartement qui l'attend dans le palais pontifical.

Lors de cette messe avec différentes catégories d'employés du Vatican, il traite de la vie quotidienne du chrétien, fustigeant par exemple aussi bien «les lamentations» que la médisance.

Avant l'office, on le voit assis en prière sur un banc au fond de l'Église.

Le pape est en contact avec Benoît XVI, retiré dans la résidence de Castel Gandolfo, qu'il est allé voir.

François reçoit des membres de la Curie (gouvernement de l'Église) qu'il a prolongés provisoirement, pour étudier les dossiers difficiles.

Sa seule nomination significative est celle du ministre général des franciscains, le père espagnol José Rodriguez Carballo, comme numéro deux de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée (chargée des religieux et religieuses). Un choix d'ouverture dans un «ministère» clé, chargé d'affronter une certaine contestation, par exemple parmi les religieuses américaines.

Il n'a pas encore nommé un secrétaire d'État qui remplacerait le cardinal italien Tarcisio Bertone, souvent critiqué pour sa gestion jugée chaotique de la Curie.  Il pourrait nommer un nonce italien.

Face à la déferlante de révélations ou pseudo-révélations sur les scandales financiers et sexuels dans l'Église, aux intrigues et luttes de pouvoir révélées par le scandale Vatileaks, il n'a pas encore abattu ses cartes. Il n'a non plus jamais parlé de réformes concernant la Curie, la banque du Vatican IOR, la collégialité, le rôle des laïcs ou des femmes.

Sur les abus pédophiles, le Vatican a simplement indiqué que le pape argentin entendait poursuivre avec «détermination» la ligne de non-tolérance de Joseph Ratzinger.

François, réformateur social mais plutôt conservateur sur les questions de moeurs quand il dirigeait l'archevêché de Buenos Aires, a évité les sujets qui fâchent, n'évoquant ainsi jamais la sexualité, dans ce qui semble une forme de pudeur et de respect de la vie privée des personnes.