Sortir des églises, comme les témoins de Jéhovah: quand il était archevêque de Buenos Aires, le nouveau pape, François, a encouragé ses prêtres à témoigner du Christ de manière peu orthodoxe. C'est ce qu'a découvert notre envoyé spécial, qui publie aujourd'hui ses derniers textes rédigés dans la patrie du pape.

Juan Gabriel Arias avait un projet ambitieux: un chemin de croix sous-marin. Le curé de la paroisse Nativité de Marie, dans un quartier modeste de Buenos Aires, en a parlé à son archevêque, qui lui a donné sa bénédiction. Ce dernier, Jorge Mario Bergoglio, vient d'être élu pape.

«Padre Bergoglio est toujours là pour appuyer ses prêtres», explique le jeune prêtre, qui a un énorme tatouage de Jésus sur le biceps droit. «Il nous disait d'évangéliser le monde avec imagination. Le chemin de croix sous-marin, que nous faisons depuis quelques années, a eu un succès boeuf. On a maintenant 3000 personnes qui l'accompagnent depuis la plage.»

Padre Bergoglio, comme il souhaitait qu'on l'appelle, encourageait aussi ses prêtres à faire la pastorale par le foot. Le curé Arias est mieux connu dans la capitale argentine comme le curé du Racing, parce qu'il est membre du C.A. et grand partisan du Racing, l'une des principales équipes de soccer du pays. «Quand je vais à la télévision avec mon col romain commenter les dernières parties, c'est aussi de l'évangélisation», dit-il dans l'une des chapelles de son église blanchie à la chaux. «J'organise des parties de soccer avec les jeunes des bidonvilles. Il faut évangéliser le monde moderne à partir des intérêts et des habitudes modernes.»

Prêtres des bidonvilles

Cela implique un rôle accru pour les laïcs. Dans la biographie autorisée Le jésuite, Jorge Mario Bergoglio explique qu'il encourage ses prêtres à louer des locaux dans les bidonvilles et à y envoyer des laïcs donner la communion, s'ils n'ont pas le temps de le faire eux-mêmes. «Il n'a pas inventé le curé des bidonvilles, mais il a encouragé les prêtres à y établir des paroisses», dit le curé Gabriel. Ironiquement, quand le pape François était provincial des jésuites argentins, entre 1973 et 1979, il a dû mater un autre type de «prêtre des bidonvilles», qui encourageait les jeunes à prendre les armes contre les riches.

«Dans ma paroisse, il y a un bidonville où Bergoglio venait parfois faire des premières communions ou des confirmations à des groupes de 200, 300 enfants», explique Gabriel Maroneti, curé de la cathédrale San José de Flores où, en 1953, Jorge Bergoglio a senti l'appel de la prêtrise - dans le premier confessionnel en entrant à droite. «Il nous encourageait à installer des tentes temporaires dans les endroits où il y avait des manifestations de groupes contestataires, pour y rencontrer les jeunes. Il m'a déjà parlé de l'admiration qu'avait Jean-Paul II pour les témoins de Jéhovah qui vont de porte à porte rencontrer les gens.»

Le nouveau pape a aussi qualifié de «pharisiens hypocrites» qui «cléricalisent l'Église» les prêtres refusant de baptiser les enfants nés de parents non mariés.

Comme Ouellet

Détail intéressant, plusieurs vaticanistes ont rapporté que le cardinal Marc Ouellet, qui avait reçu plusieurs voix dans les premiers tours du conclave, a demandé à ses partisans de voter pour Jorge Bergoglio. Plusieurs prêtres de Québec critiques de Mgr Ouellet ont confié à La Presse qu'il était par contre admirable dans son soutien de l'évangélisation. Il a notamment appuyé le projet d'un prêtre d'aller dans les salons funéraires pour réciter des prières avec les familles qui le demandent, une approche inhabituelle parce que plusieurs évêques craignent qu'elle ne réduise le nombre de funérailles en église.