Une épaisse fumée noire s'est élevée à la fin d'un premier vote mardi soir au cours du conclave historique qui s'est ouvert dans la chapelle Sixtine, au Vatican, signe qu'aucun pape n'a été élu pour succéder à Benoît XVI.

Les 115 cardinaux électeurs reprendront mercredi le chemin de la Sixtine à partir de 9h30 locales pour poursuivre leur réunion secrète consistant à prier en invoquant l'Esprit Saint et à voter jusqu'à l'obtention d'une majorité de deux tiers sur un nom.

Quand elle est sortie vers 19h40, la fumée noire a été accueillie par des exclamations de déception sur la place où des milliers de curieux et de fidèles s'étaient rassemblés pour attendre le résultat du scrutin.

Auparavant, en milieu d'après-midi, les cardinaux étaient entrés en procession dans la chapelle Sixtine, surplis blancs recouverts d'une capeline pourpre, en chantant la litanie des Saints. Ils s'étaient inclinés devant l'autel avant de prendre leurs places préalablement attribuées de part et d'autre de la célèbre chapelle, sous les splendides fresques de Michel-Ange.

Tour à tour, les cardinaux de 51 pays différents ont prononcé le serment en latin, la main posée sur l'Évangile, «de garder le secret absolu sur tout ce qui concerne directement ou indirectement (..) l'élection du souverain pontife».

Selon un rituel immuable et strict, hérité du Moyen Age, mais retransmis en direct sur grand écran place Saint-Pierre, le maître des célébrations liturgiques pontificales a prononcé d'une voix forte et solennelle la formule «extra omnes» (tous dehors). Les personnes étrangères aux votes -officiants, maîtres de cérémonie, journalistes des médias du Vatican et même le secrétaire particulier de Joseph Ratzinger, Georg Gänswein- ont quitté les lieux. Les portes se sont ensuite fermées, annonçant le début du conclave.

Avant le premier scrutin, le cardinal Prosper Grech, un prélat maltais de 87 ans, a prononcé une méditation avant de quitter à son tour la chapelle Sixtine.

Sur la place Saint-Pierre, la longue cérémonie d'ouverture du conclave a été retransmise sur des écrans géants devant une foule d'abord clairsemée, les badauds fuyant une forte averse.

Mais dès l'«extra omnes», la formule latine qui marque le début du conclave, et la fin de la pluie, fidèles, curieux et touristes ont regagné la place, les yeux rivés sur la cheminée que l'on distingue à peine dans la nuit.

Certains étaient enveloppés dans des drapeaux de leurs pays, prêts à les brandir pour fêter le nouveau pape.

Des religieuses membres de la communauté du Verbe Incarné, jeunes et vêtues en bleu et gris, chantaient en italien et en rythme : «Le nouveau pape, le nouveau pape, qui sera-t-il, qui sera-t-il? Qui le sait, qui le sait?»

«J'espère qu'il viendra de l'extérieur de l'Europe. Il devra faire entrer l'Eglise dans une ère nouvelle», a souhaité un jeune prêtre calabrais, don Mario, vêtu de noir sous un parapluie noir, le bouc finement taillé. Il s'est dit ému par «la grande responsabilité pesant sur les cardinaux».

A partir de mercredi, quatre votes sont prévus chaque jour, deux en matinée et deux l'après-midi.

«Je reviendrai demain, et après demain, jusqu'à ce qu'un pape soit élu. Peu importe qu'il soit blanc ou noir, du Nord ou du Sud, car la foi est universelle», a lancé Glenda Amaya, 38 ans, en brandissant le drapeau de son pays, le Panama.

Au moment où s'échappait la fumée noire, tous les bulletins étaient brûlés dans un vieux poële en fonte pour effacer toute trace des scrutins ultra-secrets dont les cardinaux ne peuvent faire état.

Selon les vaticanistes, et sauf surprise, le conclave qui s'ouvre devrait être bref, de deux à quatre jours au maximum.

Sur les 115 électeurs, tous créés par Jean Paul II ou Benoît XVI, une dizaine étaient cités ces derniers jours comme des «papabili», autrement dit des «papes potentiels».

De l'Italien Angelo Scola au Canadien Marc Ouellet, du Brésilien Odilo Scherer à l'Autrichien Joseph Schönborn et au Hongrois Peter Erdö et aux Américains Timothy Dolan et Sean O'Malley, tous ont des points communs évidents avec leurs mentors. Ils sont tous conservateurs, plus soucieux d'empêcher que la foi ne se dilue que d'engager des réformes de société, attendues par beaucoup, notamment en Occident.

«Guidés par l'Esprit Saint», les cardinaux devront choisir celui qui sera à même d'affronter la crise que traverse la Curie romaine, le gouvernement de l'Église, éclaboussé par le scandale des fuites Vatileaks et par des conjectures sur un prétendu «lobby gai».

Il devra aussi s'attaquer aux défis de la sécularisation des sociétés occidentales et des persécutions de chrétiens dans le monde.

L'élection du 266e souverain pontife met un point final à quatre semaines mouvementées, depuis l'annonce surprise le 11 février par Benoît XVI de sa renonciation à l'âge de 85 ans. Premier pape vivant à assister à l'élection de son successeur, Joseph Ratzinger suivra le processus de loin.

Depuis le 28 février, le «pape émérite» s'est retiré dans la résidence d'été des papes, à Castel Gandolfo, à une trentaine de kilomètres de la Ville éternelle. Son secrétaire particulier et préfet de la maison pontificale le père Georg Gänswein a assisté à la procession des cardinaux électeurs dans la Sixtine, et a été l'un des derniers à en sortir après l'«extra-omnes».

Les cardinaux avaient commencé la journée avec une messe solennelle à la basilique Saint-Pierre, au cours de laquelle ils ont rendu hommage à Benoît XVI et son  «pontificat lumineux», une phrase saluée par un tonnerre d'applaudissements.

Des milliers de fidèles avaient afflué sur la place afin de pouvoir assister à cette messe, retransmise sur quatre écrans géants.

Dès l'aube mardi, vers 7h00, les princes de l'Église avaient emménagé dans la résidence Sainte-Marthe, un ancien hospice situé derrière la basilique où ils seront hébergés jusqu'à l'élection du nouveau chef d'une Église de 1,2 milliard de baptisés.

Photo: AFP