Les portes de la chapelle Sixtine se sont fermées mardi, marquant le début du conclave des 115 cardinaux qui doivent élire le successeur du pape Benoît XVI, après sa démission historique le 28 février.

À 16 h 31 GMT (12 h 31 à Montréal), le maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Guido Marini, a clos de l'intérieur les lourds battants de la Chapelle. Juste avant, il avait lancé d'une voix forte et solennelle la formule latine «extra omnes» pour faire sortir toutes les personnes (officiants, infirmiers, religieux et journalistes des médias du Vatican) qui ne sont pas autorisées à participer à cette réunion secrète.

Coiffés de leur barrette cardinalice, vêtus de surplis blancs recouverts d'une capeline pourpre, les cardinaux se sont précédemment inclinés devant l'autel avant de prendre leurs places pré-attribuées de part et d'autre de la célèbre chapelle, sous les splendides fresques de Michel-Ange.

Chacun a ensuite, la main posée sur l'Évangile, «jurer de garder le secret absolu sur tout ce qui concerne directement ou indirectement les votes et les scrutins pour l'élection du souverain pontife».

Selon un rituel immuable et strict, hérité du Moyen-Age, toutes les personnes étrangères aux votes -officiants, maîtres de cérémonie....- ont quitté les lieux après la formule «extra omnes» (tous dehors). Les portes ont été fermées «à clé», marquant le début du conclave.

Totalement coupés du monde, les cardinaux procèderont probablement dès mardi à un premier scrutin pour désigner le nouveau pape, après la démission spectaculaire et historique de Joseph Ratzinger le 28 février.

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À partir de mercredi, quatre votes sont prévus chaque jour, deux en matinée et deux l'après-midi.

Tous les bulletins seront brûlés en fin de journée pour effacer toute trace de scrutins très secrets dont les cardinaux ne peuvent faire état. Grâce à l'adjonction de fumigènes, s'échappera une fumée noire si aucun pape n'est élu, blanche en cas d'élection.

Selon les vaticanistes, et sauf surprise, le conclave qui s'ouvre devrait être court, de deux à quatre jours au maximum.

Sur les 115 électeurs, tous créés par Jean Paul II ou Benoît XVI, une dizaine étaient cités ces derniers jours comme des «papabili», autrement dit des «papes possibles».

De l'Italien Angelo Scola au Canadien Marc Ouellet, du Brésilien Odilo Scherer à l'Autrichien Joseph Schönborn et au Hongrois Peter Erdö et aux Américains Timothy Dolan et Sean O'Malley, tous ont des ressemblances évidentes avec leurs mentors. Ils sont tous conservateurs, plus soucieux d'empêcher que la foi se dilue que d'engager des réformes de société, attendues par beaucoup, notamment en Occident.

«Guidés par l'Esprit Saint», les cardinaux devront choisir celui qui sera à même d'affronter la crise que traverse la Curie romaine, le gouvernement de l'Église, marqué par le scandale des fuites Vatileaks et par des spéculations sur un prétendu «lobby gai».

Il devra aussi s'attaquer aux défis de la sécularisation des sociétés occidentales et des persécutions de chrétiens dans le monde.

L'élection du 266e pontife clôt un mois mouvementé, entamé le 11 février avec l'annonce-surprise par Benoît XVI de sa démission à l'âge de 85 ans. Premier pape vivant à assister à l'élection de son successeur, Joseph Ratzinger suivra le processus de loin.

Depuis le 28 février, le «pape émérite» s'est retiré dans la résidence d'été des papes, à Castel Gandolfo, à une trentaine de kilomètres de la Ville éternelle.

Pendant que les princes de l'Église se réunissaient pour débuter le conclave, quelques rares touristes et fidèles stationnaient sur la place Saint-Pierre balayée par des averses et un vent frais qui ont gâché le beau soleil de la matinée.

Les cardinaux avaient débuté la journée avec une messe solennelle à la basilique Saint-Pierre, marquée par un tonnerre d'applaudissements en hommage à Benoît XVI.

Au début de cette messe «pro eligendo pontifice» (pour l'élection du pontife romain), sur fond de chants grégoriens, les cardinaux ont défilé solennellement en habit pourpre et coiffés de leur mitre dans l'allée centrale de la plus grande église de la chrétienté.

Lorsque le cardinal Angelo Sodano, doyen du Sacré Collège, a prononcé dans son homélie le nom de l'ancien pape, un tonnerre d'applaudissements a retenti pendant une minute dans la basilique et sur la place.

Des milliers de fidèles avaient afflué le matin sur la place enserrée par la célèbre colonnade du Bernin, afin de pouvoir assister à cette messe, retransmise sur quatre écrans géants.

Parmi eux, Graziano Toto, un Romain de 68 ans, qui estime que «la priorité du nouveau pape sera de mettre de l'ordre dans la curie, dans les dicastères (ministères)».

«Il faut qu'il puisse changer les choses, aborder des sujets comme la place des femmes dans l'Église ou encore le célibat des prêtres», espère de son côté Christine Hinterstoiber, une Bavaroise de 58 ans.

Dans la basilique, le cardinal Sodano a exhorté les cardinaux à «travailler tous ensemble pour construire l'unité de l'Église» et à «coopérer avec le successeur de Pierre». Il a cité une épître de Saint-Paul: «Ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, soutenez-vous les uns les autres avec amour». À la fin de la messe, les cardinaux sont repartis de la basilique en procession.

Auparavant, de bon matin -6 h GMT (2 h à Montréal)-, les princes de l'Église ont emménagé à la Maison Sainte-Marthe, un ancien hospice situé derrière la basilique où ils habiteront jusqu'à l'élection du nouveau chef d'une Église de 1,2 milliard de fidèles.

Pierre Durieux, porte-parole du cardinal français Philippe Barbarin, a tweeté pour annoncer l'entrée des trois cardinaux français au Vatican. Et maintenant «grand silence», a-t-il conclu.