Au magasin Gammarelli, le blanc est à la mode depuis un siècle et demi. La petite boutique de la via Santa Chiara, une petite rue de pavés derrière le Panthéon, habille les papes depuis Pie IX (1846-1878).

Sa vitrine était la plus courue de Rome la semaine dernière: les vêtements du futur pape y étaient exposés, calotte et pèlerine de velours rouge incluses. Tous made in Italy, bien sûr, du tissu à la confection.

Jeudi dernier, les trois cousins à la tête du petit empire Gammarelli, Lorenzo, Massimiliano et Stefano Paolo, s'affairaient au pied d'immenses étagères de bois avec l'air grave de chefs d'État. Un drapeau jaune et blanc du Vatican traîne au fond du commerce, à côté d'un escalier en colimaçon menant à l'atelier, où les fameuses soutanes sont fabriquées en trois jours par une demi-douzaine de couturiers.

Sous les portraits des sept derniers papes, de Pie XI à Benoît XVI, un employé discute avec un client, un prêtre. Car les Gammarelli n'habillent pas seulement le Saint-Père, comme en font foi les rouleaux de tissu brodé pour des chasubles.

C'est Lorenzo Gammarelli, sixième génération de la famille de tailleurs ecclésiastiques, qui a reçu la commande du Vatican trois jours après que Benoît XVI ait surpris le monde entier en annonçant sa retraite, le 11 février dernier. «Nous avons dit: «Merci», affirme l'homme de 40 ans en éclatant de rire. C'est toujours un grand honneur.»

La maison Gammarelli, fondée en 1798, habille probablement déjà le futur pape, puisque la majorité des cardinaux sont des habitués. «Certains viennent d'Allemagne, des États-Unis et du Canada», explique Lorenzo Gammarelli. Marc Ouellet en fait-il partie? «Nous ne divulguons pas les noms de nos clients», répond-il, sourire en coin.

La discrétion est sans doute un des secrets du succès des Gammarelli. Ils refusent de discuter de prix pour les soutanes de satin et de laine et même du moyen de livraison au Vatican, pour «des raisons de sécurité».

L'origine de la fourrure blanche utilisée pour la pèlerine était également traitée comme un secret d'État. Ce serait de l'hermine, selon une dizaine de manifestants qui ont protesté vendredi dernier devant la devanture dorée et boisée d'un des plus vieux commerces de Rome.

Mais voilà: les Gammarelli préfèrent être fidèles à la tradition que politiquement corrects. En ce qui les concerne, c'est le pape qui dicte les changements aux habits pontificaux. Même s'ils ont été un peu simplifiés dans les années 60, ils ont très peu changé au cours des derniers siècles.

«Il n'y a pas de règles écrites sur la fabrication des vêtements des papes. Elle se base sur la tradition et c'est ce qui explique notre succès», dit fièrement Lorenzo Gammarelli.