Au moment où les 115 cardinaux s'apprêtent à s'enfermer en conclave dans la chapelle Sixtine pour élire le prochain pape, des dizaines de journalistes convergent, à plus de 6000 km de là, vers la municipalité de La Motte, en Abitibi, lieu de naissance de Marc Ouellet, un des favoris de la course papale.

Après la frénésie des dernières semaines, il y avait hier une rare accalmie dans cette bourgade agricole de 439 âmes. Elle sera de courte durée, puisqu'une cinquantaine de journalistes canadiens, américains et européens ont été accrédités pour suivre le conclave depuis le village.

Ces médias vont squatter l'église Saint-Luc, dont la salle communautaire a été convertie en centre médiatique.

Le centre du village - qui se résume en une petite épicerie, une mairie et l'église - a dû prendre des dispositions rapides pour accommoder ces visiteurs de passage.

Au sous-sol de l'église, Annie Boivin, propriétaire de la Néoferme d'La Turlute, et son équipe s'activaient dans la cuisine, hier matin. Elle a reçu le mandat de nourrir les journalistes accrédités.

Une «salle de presse» - une table, un modem et un routeur - a aussi été installée au fond de la salle. Deux grands téléviseurs à écran plasma neufs, encore emballés, permettront de suivre les événements.

Croisé sur le parvis de son église, à la fin de la messe, le curé du village s'est gardé de commenter les événements. «Je ne peux rien dire qui n'a pas été dit», a-t-il laissé tomber.

Il faut dire que les journalistes font partie du décor depuis quelques semaines.

Plusieurs Lamottois enchaînent littéralement les entrevues. C'est le cas de Lise Breault, propriétaire de l'épicerie Chez Flo, située en face de l'église. «On a même commencé à voir des motoneigistes arrêter devant l'église pour la photographier», souligne-t-elle.

Une source de fierté... et d'inquiétudes

C'est dans cette église que le cardinal Ouellet a été baptisé puis ordonné prêtre. Plusieurs membres de sa famille habitent toujours au village, mais ils ont fait savoir qu'ils ne veulent plus accorder d'entrevues d'ici la fin du conclave.

Lise Breault admet que tout le village retient son souffle. «Pour nous, ça serait quelque chose! As-tu pensé? Un ti-gars de La Motte qui devient pape!» lance-t-elle avec fierté.

«La dernière fois, il est entré ici en bermudas, en tenant sa mère par la main pour me demander la clé de l'église», ajoute Mme Breault.

«Marc? Je le connais comme Barabbas dans la Passion!» s'exclame à son tour Lucien Morin, un résidant des environs qui dépeint le papabile comme un «maudit bon gars pas frais chié pantoute».

Le coloré Amossois contemple avec amusement le cirque médiatique qui s'emballe. «C'est bon, ça va faire connaître le boutte!»

Le maire René Martineau n'a quant à lui pas le choix de prendre les choses un peu plus au sérieux, voire avec un brin d'inquiétude.

Si Marc Ouellet devient pape, sa ville pourrait voir déferler des milliers de touristes religieux et l'obliger à se doter d'un circuit touristique.

«Présentement, on n'a rien. Pas de plaque commémorative, rien. Pour nous, Marc n'a jamais été un héros, c'est pas le cardinal, c'est seulement Marc», résume le maire.