La moitié des adeptes du christianisme vivent en Amérique latine et beaucoup souhaitent que le futur Saint-Père ne soit pas européen, mais originaire de leur région. Sur Twitter, les publications réclamant un papa latino se multiplient. Voici un exemple argentin de ce mouvement.

Fin connaisseur du Vatican, Esteban Caselli a été ambassadeur argentin au Saint-Siège entre 1997 et 2000. «C'est un bon moment» pour un pape latino-américain, estime-t-il. «Sans faire de futurologie, dit-il, ce serait une grande fierté qu'après un pape polonais, puis allemand, le nouveau pape soit latino-américain. On verrait avec beaucoup de joie que l'Esprit saint se souvienne du peuple latino-américain et illumine les 118 cardinaux durant le concile.»

Esteban Caselli a déjà son favori: le cardinal argentin Leonardo Sandri. «À 69 ans, il est jeune et a une grande expérience. Il a été la voix de Jean-Paul II et il est préfet de la Congrégation pour les Églises orientales», plaide-t-il.

Jean-Paul II a été le premier à briser le monopole italien de la papauté depuis des siècles. Au concile de 2005, selon la rumeur, un Latino-Américain, le cardinal argentin Jorge Bergoglio, serait même arrivé deuxième derrière Joseph Ratzinger. L'âge avancé de l'archevêque de Buenos Aires (77 ans) ne joue pourtant pas en sa faveur aujourd'hui.

Outre Sandri, les deux papabili les plus cités sont le Brésilien Odilo Pedro Scherer, 63 ans, archevêque de São Paulo, et le Hondurien Oscar Andrés Rodriguez Maradiaga. À 70 ans, ce dernier combat au quotidien la corruption et le trafic de drogue.

Sur le parvis de l'église Jesus de Sacramento, à Buenos Aires, les fidèles se pressent, en pleine semaine, pour assister à la messe. «Ce serait une grande fierté en tant qu'Argentine et en tant que catholique d'avoir un pape latino-américain. Cela permettrait notamment de consolider l'unité latino-américaine alors que de nombreux courants religieux se transforment en sectes», dit Maria, mère de famille.

«Un cadeau de Dieu»

Dina, grand-mère joviale, renchérit dans la foulée: «Quelle joie si le pape était argentin, un fils du pays! Nous avons accueilli tant de monde ici que ce serait un beau cadeau de Dieu à partager avec les autres.»

Assis dans un salon feutré de l'archevêché de Buenos Aires, le père Guillermo Marcó estime que les cardinaux latino-américains peuvent se targuer d'un bien meilleur bilan que leurs collègues européens. «Il faut voir notre travail sur le terrain. À Buenos Aires, il y a huit messes le week-end dans les paroisses du centre et les huit sont pleines. De leur côté, les évêques européens devraient s'interroger sur l'évangélisation dans leurs pays, car ils n'obtiennent pas de résultats apparents. On prie de moins en moins en Europe et c'est triste de voir que les églises ressemblent presque à des musées», affirme le prêtre.

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Le cardinal brésilien Odilo Pedro Scherer.

Évangélisation

Guillermo Marcó s'attriste que, malgré cela, peu de Latino-Américains aient été promus cardinaux au cours des dernières années. «Si elle s'est beaucoup internationalisée, la Curie romaine reste majoritairement italienne, déplore-t-il. Je crois que l'Amérique latine a son mot à dire avec son expérience de la pauvreté, avec ses bons résultats d'évangélisation.»

Détail à noter, ni M. Caselli ni le père Marcos ne connaissent personnellement Marc Ouellet et aucun des deux n'a voulu se prononcer sur ses chances au conclave.

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Le cardinal Leonardo Sandri, de l'Argentine.