Le président américain Barack Obama devrait opter pour une réforme modeste des programmes de surveillance américains qu'il annoncera vendredi afin d'apaiser la controverse planétaire déclenchée par les révélations d'Edward Snowden, mais le programme Prism d'espionnage d'internet devrait continuer à exister.

Selon le New York Times mercredi, le président ne devrait pas annoncer de révolution dans la façon dont l'Agence nationale de sécurité (NSA) récolte et stocke des milliards d'informations relatives aux communications téléphoniques et électroniques aux États-Unis et à l'étranger.

Un groupe de cinq experts mandatés par Barack Obama a formulé en décembre 46 recommandations, en particulier sur le programme autrefois ultra-secret de récolte des «métadonnées» de l'intégralité des appels téléphoniques passés aux États-Unis, la première révélation explosive d'Edward Snowden en juin 2013.

Ces métadonnées incluent les numéros appelés, les horaires et durées des appels, mais pas les enregistrements des conversations. Leur exploitation ne viole donc pas, selon l'administration, le quatrième amendement de la Constitution qui protège les Américains contre les perquisitions et saisies non ordonnées par la justice. Cette interprétation est contestée, y compris devant les tribunaux, par de nombreux parlementaires et associations de défense des libertés.

«Nous donnons les dernières touches au réexamen de nos programmes de surveillance électronique», a déclaré mercredi Jay Carney, porte-parole de la Maison-Blanche, sans commenter l'article du New York Times.

Le quotidien a révélé aussi mercredi que la NSA était capable de pénétrer des ordinateurs qui ne sont pas connectés à internet grâce à un système d'ondes radio.

Barack Obama ne devrait pas suivre l'avis des experts, qui proposaient pour éviter tout abus que le stockage des métadonnées se fasse chez les opérateurs téléphoniques, et non dans les serveurs de la NSA.

Mais son discours sera marqué, d'après le journal, par «un esprit de réforme» et «laisse(ra) la porte ouverte à d'autres changements plus tard».

Il devrait par exemple «proposer la création d'un représentant public pour se pencher sur les problèmes de protection de la vie privée devant les cours secrètes régissant le système de renseignement».

«Imposer des limites plus strictes»

L'esprit de réforme pourrait être beaucoup plus timoré pour les programmes ciblés sur les étrangers. Le groupe d'experts s'était gardé de demander la suppression du programme qui a scandalisé les Européens: Prism, autorisé par l'article dit «702» d'une loi votée en 2008 au Congrès.

Cet outil est défendu par le renseignement comme l'un des plus efficaces de la NSA. Il permet d'accéder aux courriels, photos et communications échangées sur les sites internet les plus utilisés dans le monde, notamment les messageries Gmail et Hotmail ou le service de tchat vidéo Skype, par les étrangers vivant hors des États-Unis.

Google, Microsoft, Apple et les autres géants d'internet contestent fermement donner à la NSA un accès spécial à leurs serveurs, mais leur image a souffert.

«Ils veulent avoir le droit d'être plus transparents sur les données qu'ils donnent, et dans quelles conditions», explique à l'AFP Mark Rumold, de l'Electronic Frontier Foundation, qui défend les libertés sur internet. Mais «en terme de réforme de la législation, je ne pense pas que le président Obama proposera grand chose».

Selon le New York Times, Barack Obama pourrait «appeler à la mise en place de garde-fous pour protéger la vie privée des étrangers».

L'Union européenne a réclamé le droit pour les citoyens de l'UE non résidents aux États-Unis d'engager des actions en justice pour obtenir réparation en cas d'usage abusif de leurs données personnelles.

L'écoute de dirigeants étrangers, et notamment de la chancelière allemande Angela Merkel, avait elle aussi choqué. M. Obama envisagerait de limiter les interceptions de courriels et appels de dirigeants alliés.

Le Congrès serait au final invité à voter ses propres mesures.

Le débat consiste à déterminer «si le gouvernement doit avoir le pouvoir de créer des bases de données massives d'informations sur ses citoyens», déclarait mardi le sénateur démocrate Patrick Leahy. «J'estime fermement que nous devons imposer des limites plus strictes sur les pouvoirs de surveillance de l'État».

Mais le consensus politique qui garantit en 2001 l'adoption facile du Patriot Act a volé en éclat. Les parlementaires les plus critiques de la NSA se comptent aujourd'hui au sein même du parti du président.