La police britannique a annoncé jeudi avoir ouvert une «enquête criminelle» après avoir commencé l'examen des documents confisqués à David Miranda, compagnon et collaborateur du journaliste du Guardian à l'origine de révélations sur les programmes de surveillance américain et britannique.

La Haute Cour de Londres a dans le même temps limité l'examen des documents saisis, en interdisant à la police et au gouvernement d'«inspecter, de copier ou de partager» ces données sauf «dans le but de protéger la sécurité nationale».

David Miranda a engagé une procédure judiciaire après sa détention dimanche à Heathrow, où il a été interrogé pendant près de neuf heures sur la base d'une loi antiterroriste et s'est vu saisir son matériel informatique.

La police a indiqué devant la Haute Cour avoir récupéré des «dizaines de milliers» de pages de matériel informatique, qu'elle avait commencé à examiner ces derniers jours.

«Ce qui a été inspecté jusqu'ici contient aux yeux de la police du matériel hautement sensible, dont la divulgation serait gravement nuisible pour la sécurité du public, par conséquent la police a lancé une enquête de nature criminelle», a déclaré l'avocat de Scotland Yard, Jonathan Laidlaw.

L'avocat a toutefois refusé d'être plus explicite sur «la nature et l'étendue» de cette enquête.

Les avocats de David Miranda avaient saisi la Haute Cour pour demander une injonction destinée à protéger la confidentialité des documents saisis, qu'ils ont décrits comme du «matériel journalistique sensible».

La mesure décidée par la justice est valable jusqu'au 30 août, date à laquelle la Haute Cour examinera à nouveau la nécessité d'une telle injonction, en attendant de se prononcer sur le fond, c'est-à-dire sur la légalité de cette détention.

Gwendolen Morgan, avocate de David Miranda, a estimé que cette décision était une «victoire partielle» pour son client.

«Le ministère de l'Intérieur et la police ont maintenant sept jours pour prouver qu'il y a une menace réelle contre la sécurité nationale, plutôt que de se borner à des affirmations comme celles qu'ils ont formulées aujourd'hui», a-t-elle dit à la sortie du tribunal.

L'arrestation de David Miranda a suscité une vague d'indignation et valu des critiques à Londres de la part du Brésil, de l'Allemagne, de la Russie et du Conseil de l'Europe. Jeudi, la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, a également fait part de ses «préoccupations» concernant la liberté de la presse.

Les autorités britanniques ont aussi été pointées du doigt pour avoir ordonné la destruction, survenue il y a un mois, de documents secrets confiés au journal par Edward Snowden, ex-consultant de l'Agence nationale de sécurité (NSA) recherché pour espionnage par Washington et réfugié en Russie.

Cette polémique sur l'attitude de Londres intervient alors que, deux mois après les révélations de Snowden, l'administration américaine a reconnu mercredi que la NSA avait agi dans l'illégalité en interceptant des courriers électroniques d'Américains sans lien avec le terrorisme.

David Miranda est le compagnon de Glenn Greenwald, journaliste du Guardian à l'origine de la publication des documents obtenus par Edward Snowden, et il l'aide dans ce travail.

Lors de son arrestation dimanche, le Brésilien était en transit entre Berlin et Rio, où il habite avec son compagnon. Il venait de passer une semaine en Allemagne où il était logé chez la documentariste américaine Laura Poitras, qu'Edward Snowden avait choisie, avec Glenn Greenwald, pour faire ses révélations.

David Miranda, qui s'est vu confisquer pendant son interrogatoire son ordinateur, son téléphone portable et des cartes mémoire selon ses avocats, fait valoir que le recours à la législation antiterroriste (Schedule 7 du Terrorism Act 2000) est illégal dans son cas.

Le rédacteur en chef du Guardian, Alan Rusbridger, s'est dit «extrêmement inquiet» de voir que la législation antiterroriste était «utilisée à tort pour contourner la protection du matériel journalistique».

PHOTO SUZANNE PLUNKETT, REUTERS

L'avocate de David Miranda Me Gwendolen Morgan arrive à la Haute Cour de Londres, le 22 août.