L'Équateur a haussé le ton jeudi face aux États unis en renonçant à un accord douanier qualifié «d'instrument de chantage», un geste spectaculaire au moment où Quito examine la demande d'asile de l'ex-consultant Edward Snowden, recherché pour espionnage par Washington.

Dans une déclaration aux allures martiales, le gouvernement de Quito a renoncé «de manière unilatérale et irrévocable» à cet accord qui octroyait des tarifs préférentiels en contrepartie de ses efforts pour lutter contre le trafic de drogue, assurant n'accepter «ni des pressions ni des menaces de personne».

«L'Équateur ne marchande pas avec les principes, il ne les soumet pas à des intérêts mercantiles, aussi importants qu'ils soient», selon ce message lu par le ministre de la Communication Fernando Alvarado.

Cette mise au point intervient alors que le pays latino-américain, dirigé par le président socialiste Rafael Correa, étudie la demande d'asile de l'ancien consultant de l'Agence nationale de sécurité (NSA), à l'origine de la révélation d'un vaste programme américain de surveillance téléphonique et électronique. M. Snowden se trouve actuellement dans la zone internationale de transit de l'aéroport Moscou-Cheremetievo.

Selon la déclaration des autorités de Quito, ces accords douaniers, signés par les États-Unis avec plusieurs pays andins et appliqués en Équateur depuis 1991, sont en réalité «devenus rapidement un nouvel instrument de chantage».

La présidence équatorienne a précisé, sur son site internet, que des «pressions explicites et implicites» avaient été exercées par les États-Unis à propos de l'«examen de la demande d'asile d'Edward Snowden», ainsi que sur «l'asile accordé à Julian Assange», le fondateur du site WikiLeaks, réfugié depuis un an à l'ambassade d'Équateur à Londres.

«Nous aurions été enchantés que, de la même manière qu'on exige avec urgence de livrer M. Snowden au cas où il foulerait le sol équatorien (...), on en fasse de même avec les fugitifs de la justice équatorienne réfugiés aux États-Unis», affirme encore le gouvernement.

Au pouvoir depuis 2007, M. Correa, un dirigeant aux relations tendues avec les États-Unis, a affirmé depuis dimanche qu'il examinait avec un «très grand sens des responsabilités» et dans le «respect absolu de la souveraineté» la demande d'asile, comme dans le cas d'Assange, autre bête noire de Washington après avoir divulgué sur son site des centaines de milliers de câbles confidentiels américains.

L'Équateur a jusqu'ici nié avoir délivré un «passeport ou un document de réfugié» à la suite de la demande d'asile de M. Snowden. Toutefois les autorités n'ont pas fait allusion à la possibilité d'un «sauf-conduit» pour le jeune homme de 30 ans qui, selon la chaîne américaine Univision, en aurait reçu un.

La ministre équatorienne chargée des relations avec le Parlement, Betty Tola, a de nouveau apporté le soutien de Quito au combat mené par M. Snowden, estimant qu'une éventuelle condamnation à l'encontre du jeune informaticien, qui encourt 30 ans de réclusion, serait contraire aux normes internationales.

«Les révélations de M. Snowden concernent les programmes secrets d'espionnage (réalisés) à travers le monde au mépris du cadre juridique international, et les sanctions dont il est menacé pourraient violer la Convention interaméricaine des droits de l'Homme, que les États-Unis n'ont malheureusement pas signée», a-t-elle affirmé.

La résiliation de l'accord douanier avec les États-Unis devance la décision que devait prendre à ce sujet le Congrès américain. Depuis plusieurs semaines, le président Correa, qui a été réélu en février pour un nouveau mandat de quatre ans, avait évoqué le risque que les parlementaires ne renouvellent pas cet accord.

Dans sa déclaration de jeudi, le gouvernement équatorien réaffirme que la Maison-Blanche a brandi des «menaces» et fait preuve d'«insolence» dans ce dossier des tarifs préférentiels, qui représentent une économie annuelle d'environ 23 millions de dollars pour ce pays andin de plus de 15 millions d'habitants.

Concernant la lutte antidrogue, le fondement de cet accord commercial, Quito a aussi critiqué la stratégie américaine en la matière, dénonçant «des violations contre les droits de l'Homme et la souveraineté des peuples».

Au sein de l'opposition et des milieux d'affaires, très hostiles au chef de l'État, la position «anti-impérialiste» de M. Correa suscite depuis plusieurs jours des remous, avec la crainte de représailles de la part des États-Unis, premier partenaire commercial de l'Équateur qui lui destine 40% de ses exportations.

L'abandon de l'accord douanier est une «décision erronée et précipitée, car il n'y avait aucune annonce formelle du gouvernement des États-Unis menaçant de le retirer», a déploré Roberto Aspiazu, responsable du Comité patronal équatorien, interrogé par l'AFP.