Un homme d'affaires lié au site internet WikiLeaks a révélé que des Islandais préparaient un vol vers leur pays pour Edward Snowden, l'Américain qui a divulgué l'ampleur de la surveillance des télécommunications et d'internet par les États-Unis.

«Nous avons un avion et toute la logistique est en place. Maintenant, nous attendons juste une réponse du gouvernement», a affirmé jeudi soir à la chaîne islandaise Channel 2 Olafur Sigurvinsson, un dirigeant de DataCell, une entreprise islandaise qui gère la collecte des fonds de WikiLeaks.

«L'avion peut décoller demain», a-t-il ajouté.

Parti de Hawaï où il travaillait pour un sous-traitant du renseignement américain, M. Snowden, qui fête ses 30 ans vendredi, s'est réfugié le 20 mai à Hong Kong, territoire dont il a loué la tradition de défense des libertés. Il semble y être resté caché depuis.

Dans un entretien avec le Guardian le 9 juin, il affirmait que l'Islande était le pays le plus proche de ses valeurs pour un internet libre et indépendant des Etats.

Avant de le rejoindre, il doit éviter deux écueils: être arrêté ou intercepté durant ce voyage de près de 10 000 km, et être menacé d'une extradition par l'Islande si le gouvernement choisit cette voie.

«Il serait stupide de le faire venir ici s'il est extradé vers les États-Unis. Dans ce cas, il est mieux là où il est», a expliqué M. Sigurvinsson.

Le vol se ferait dans un jet privé loué à une compagnie chinoise, grâce à des contributions collectées par WikiLeaks. Il coûterait au moins 40 millions de couronnes islandaises (près de 344 000$).

Le gouvernement islandais s'est montré très prudent sur le dossier, rappelant que tout demandeur devait d'abord faire sa demande d'asile en personne sur le territoire national.

«Puisqu'il n'est pas dans le pays, je n'ai pas de commentaire à faire pour le moment», avait dit mercredi le Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson.

Interrogés par l'AFP vendredi, le consulat d'Islande à Hong Kong et l'ambassade à Pékin se sont aussi refusés à tout commentaire.

Issu d'élections législatives fin avril, le gouvernement de centre-droit, eurosceptique, est composé d'un parti traditionnellement atlantiste (le Parti de l'indépendance) et d'un autre plutôt bien disposé vis-à-vis des États-Unis (le Parti du progrès).

M. Snowden a toutefois des soutiens importants en Islande, comme le porte-parole du site internet WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, un journaliste d'investigation très respecté dans son pays.

«Je n'ai aucun doute sur le fait que la nation veut porter secours à Snowden et j'espère que les dirigeants politiques s'en rendront compte», a-t-il déclaré jeudi à l'AFP, joint par téléphone depuis Reykjavik alors qu'il se trouvait en Equateur.

Il y a aussi les trois députés du Parti pirate, premiers au monde fin avril à entrer dans un Parlement national.

L'une d'entre eux, Birgitta Jonsdottir, a rappelé jeudi sur Facebook qu'en 2005 l'Islande était devenu le refuge de Bobby Fischer, joueur d'échecs américain qui avait défié en 1992 un embargo contre la Yougoslavie, déchirée par une guerre civile.

«Bobby Fischer n'était pas en Islande quand il a été naturalisé. Il était en prison au Japon parce que son passeport avait expiré. La décision de lui accorder la nationalité islandaise était politique», a-t-elle écrit. Elle souhaite le même traitement pour M. Snowden.

En juin 2010, sympathisant avec le combat du site internet WikiLeaks pour faire échapper ses informateurs aux poursuites judiciaires, le Parlement islandais adoptait à l'unanimité une résolution pour faire de l'Islande un pays refuge pour les défenseurs de la liberté d'expression et de la transparence.

L'exécutif ne se considère cependant pas lié par ce texte. «La résolution ne fait pas partie des lois qui s'appliquent aux demandeurs d'asile», a déclaré la ministre de l'Intérieur Hanna Kristjansdottir mardi.