Des dizaines de milliers de résidants de la ville de L'Aquila et des villages voisins qui ont été chassés de leur résidence par le tremblement de terre d'avril vivent aujourd'hui dans des camps de tentes sans savoir quand ils pourront retrouver une vie normale.

«Le moral n'est pas très bon. On ne sait pas ce que nous réserve l'avenir. Et il y a encore des secousses. Seulement dans les 10 derniers jours, nous en avons eu 3 de force 4 (sur l'échelle de Richter) ou plus», a souligné Luca Molinari, un jeune homme de 28 ans rencontré par La Presse dans un camp situé à l'est de la ville de 70 000 habitants.

Lorsque le séisme a frappé, M. Molinari se trouvait à Londres, où il occupait un poste dans le secteur financier avant d'être licencié en raison de la crise.

Pris d'inquiétude pour ses parents, qui habitaient à la limite du centre historique de L'Aquila, il s'est précipité à l'aéroport.

«Au moins, c'est propre»

Le spectacle de destruction qui l'attendait le lendemain l'a sidéré. «Mes parents étaient avec ma jeune soeur lorsque c'est arrivé. Ils ont pu s'en sortir sains et saufs, mais la maison n'est plus habitable. On attend l'autorisation pour évaluer les dommages et entreprendre les réparations, mais ça ne vient pas», a-t-il expliqué.

Comme il n'avait plus de maison, le jeune homme a trouvé une place dans la tente de la famille d'un ami avant d'être rejoint par ses parents. «Nous étions huit ou neuf jusqu'à ce que je réussisse à trouver une tente pour nous. Ce n'est pas glorieux, mais au moins c'est propre», a-t-il dit.

Une cinquantaine de tentes ont été aménagées en rangée dans le camp, dressé dans la cour d'une usine. D'anciens occupants se sont installés non loin dans des roulottes afin notamment de continuer à bénéficier des repas distribués gratuitement par le gouvernement.

Une bonne part du financement du camp est assurée par une région du sud de l'Italie d'où proviennent la plupart des bénévoles.

«La solidarité, c'est obligatoire», a expliqué l'un d'eux, Giuseppe Martinelli, qui a pratiquement sommé La Presse d'accepter un plat de pâtes avant de répondre à quelques questions.

Délais et frustration

Le directeur du camp, Domenico Vinci, a souligné que l'interaction avec les résidants n'est pas facile. «Ils ont tendance à vouloir nous faire porter leurs malheurs», a indiqué ce directeur commercial de profession.

La frustration ne cesse de croître à mesure que se prolongent les délais. Le gouvernement s'est engagé à construire de nouvelles maisons qui commencent à prendre forme en périphérie de la ville, mais les choses progressent lentement.

«En premier, il était question que le camp ferme en juin. Ensuite, en septembre. Maintenant, on nous parle de décembre», a souligné M. Vinci, qui est choqué par la décision du gouvernement italien de tenir le G8 à L'Aquila.

«L'argent gaspillé pour le sommet aurait pu profiter aux réfugiés et à la reconstruction. Tout le monde dit ça ici», a-t-il indiqué.

Luca Molinari pense que le sommet peut avoir son utilité s'il se traduit par une aide accrue pour la région. «Mais les gens ont peur d'être oubliés par la suite», a-t-il dit.

Des dizaines de camps comme celui où réside le jeune Italien sont aménagés un peu partout autour de la ville, dont le centre demeure inaccessible aux civils en raison des risques d'effondrement.

La zone est occupée par des policiers et des membres de la protection civile qui s'affairent depuis des mois à sécuriser les structures qui ont résisté au choc.

Ville fantôme

Plusieurs monuments historiques de grande valeur culturelle ne tiennent plus que par de complexes systèmes d'échafaudage et les risques d'effondrement demeurent élevés.

Le personnel de sécurité était d'ailleurs visiblement inquiet hier lors du passage au centre-ville du premier ministre Stephen Harper et de la délégation qui l'accompagnait.

Des agents de la protection civile ont souligné, sous le couvert de l'anonymat, qu'ils doutent de la possibilité de relancer le coeur de la ville. Les coûts estimés de la reconstruction sont de plusieurs milliards de dollars.

M. Molinari espère qu'ils se trompent. «Pour les gens qui ont vécu ici, c'est triste de voir ça. L'Aquila est devenue une ville fantôme», a-t-il souligné.