Les habitants de Port-au-Prince qui ont fui cette ville surpeuplée depuis le tremblement de terre du 12 janvier prennent massivement le chemin du retour, parce qu'ils ne trouvent pas les ressources dont ils ont besoin à l'extérieur de la capitale.

Ce mouvement de population inquiète la présidente de la Croix-Rouge haïtienne, Michaële Amédée Gédéon. De passage à Montréal à l'occasion d'un sommet sur l'aide humanitaire à Haïti, Mme Gédéon a rappelé à quel point l'exode démographique qui a suivi le séisme avait été bienvenu.

Dans les jours suivant le tremblement de terre, le gouvernement haïtien a fortement encouragé les habitants de la capitale à quitter la ville. Des autocars gratuits leur permettaient de rejoindre les villes des Cayes, au sud du pays, ou de Cap-Haïtien, dans le nord. D'autres ont quitté Port-au-Prince par leurs propres moyens, en prenant la route ou la mer.

Mais les principales villes où ont atterri les personnes déplacées ont été épargnées par le séisme et ne figurent pas sur la carte de l'aide internationale. Les nouveaux arrivants y ont donc trouvé peu de soutien. Ils n'y sont pas non plus reçus à bras ouverts par la population locale, comme a pu le constater La Presse lors d'un récent reportage aux Cayes.

La population de Port-au-Prince avait explosé au cours des dernières décennies, avec l'arrivée massive de personnes à la recherche de travail. «Nous avions été soulagés de constater, après le tremblement de terre, que les gens partaient pour se réinstaller dans leur ville d'origine», a noté Michaële Amédée Gédéon hier.

Elle déplore que l'aide n'ait pas suivi ce déplacement de population. «C'est une occasion ratée», a-t-elle dit, en appelant les organisations humanitaires à s'installer rapidement dans les villes qui n'ont pas été touchées par le séisme.

Selon les statistiques du gouvernement haïtien, plus de 400 000 personnes ont quitté Port-au-Prince à la suite du tremblement de terre. Ce chiffre est difficile à vérifier, et il est impossible d'estimer le nombre de personnes qui ont, depuis, repris le chemin de la capitale. «Nous avons eu vent de ce phénomène», dit Nicholas Reader, porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Selon le Bureau, l'afflux de déplacés dans les villes à la frontière de la République dominicaine a aussi exacerbé les problèmes d'approvisionnement alimentaire dans cette région.

«Les gens retournent là où il y a des points d'aide», selon Michaële Amédée Gédéon. Et dans beaucoup de cas, c'est un retour vers la capitale.

L'urgence

Cet appel à mieux répartir l'aide arrive alors que les premiers besoins des sinistrés n'ont toujours pas été comblés. Habituellement, la phase d'urgence qui suit une catastrophe naturelle dure entre trois et six mois, a expliqué hier le secrétaire général de la Croix-Rouge canadienne, Conrad Sauvé. Cette fois, la Croix-Rouge estime qu'elle risque de durer un an, peut-être plus. Et qu'elle va absorber des sommes colossales. Tellement que la Croix-Rouge craint de n'avoir plus d'argent pour rebâtir le pays.

«Nous n'avons pas de ressources pour la reconstruction», a dit Conrad Sauvé, à l'issue de la réunion qui a rassemblé les représentants de 25 sections de la Croix-Rouge. «Les gouvernements devront s'engager dans la reconstruction», a-t-il conclu.