Des organismes canadiens s'impatientent et dénoncent la lenteur d'Ottawa à verser les fonds promis pour égaler les dons des Canadiens au lendemain du séisme en Haïti. Le gouvernement fédéral, lui, fait valoir qu'il ne peut aller plus vite que le gouvernement d'Haïti, qui en est toujours à établir ses priorités.

Au lendemain du séisme, le gouvernement fédéral a créé le Fonds d'aide aux victimes du séisme en Haïti (aussi appelé «fonds de jumelage») pour égaler les dons versés par les Canadiens à des organismes d'aide entre le 12 janvier et le 12 février 2010. Une somme de 220 millions de dollars a donc été versée au Fonds. Mais à l'heure actuelle, seulement 65 millions ont été renvoyés aux organisations qui ont soumis des projets.

Six mois après le séisme, des organisations non gouvernementales (ONG) trépignent d'impatience. Les besoins sur le terrain sont criants; leurs plans sont bien ficelés et les fonds recueillis auprès des donateurs privés, eux, s'épuisent rapidement, ont affirmé à La Presse les représentants d'une demi-douzaine de ces organismes.

À titre d'exemple, le Centre d'éducation et de coopération internationale (CECI), qui a amassé plus de 13 millions de dollars en dons au Québec, a déjà dépensé plus de 10,5 millions. Il n'a toujours rien reçu du fonds de jumelage.

«Comme la plupart des ONG canadiennes, on trouve que le processus est quand même lent», a confié Alain Lapierre, chef de l'équipe d'urgence envoyée par CARE Canada en Haïti après la catastrophe. CARE Canada a reçu 1,5 million de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) depuis le mois de janvier. Cet argent provenait de l'enveloppe d'urgence de 85 millions débloquée à ce moment, et non du fonds de jumelage. À l'heure actuelle, l'organisme a l'équivalent de 6 millions en propositions qui attendent l'aide du fédéral. L'une d'elles vise à construire des abris.

À Montréal, des organismes plus petits que CARE attendent eux aussi qu'Ottawa leur prête main-forte. À la Fondation Paul Gérin-Lajoie, par exemple, on est toujours sans nouvelles d'une demande de financement de 1 million de dollars faite il y a un mois et demi pour reconstruire des écoles et faire de l'accompagnement psychologique et pédagogique. «C'est clair qu'on est dans l'attente et qu'on est déçus», a dit François Gérin-Lajoie, président de l'organisme, qui a amassé 225 000$.

Commission intérimaire

À Ottawa, on explique que l'on doit attendre les directives de la commission intérimaire avant d'aller de l'avant avec le financement de projets. Cette commission, coprésidée par Bill Clinton et le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive, a été créée dans la foulée de la conférence de New York, au printemps, pour coordonner les efforts d'aide et de reconstruction du pays. Jusqu'ici, ses membres ne se sont rencontrés qu'une seule fois, en juin. Elle doit se réunir de nouveau en août.

«Tous les projets, techniquement, vont être entérinés par la commission», a reconnu une haute fonctionnaire responsable de l'aide haïtienne à l'ACDI. Elle aussi a requis l'anonymat.

«C'est sûr qu'il y a des délais, sauf qu'il faut travailler en collaboration avec le gouvernement haïtien», a-t-elle ajouté. Le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, a récemment fait parvenir une lettre à Bill Clinton pour organiser une rencontre au sujet de l'aide en Haïti. Aucune date n'a encore été arrêtée.

Plus de 550 millions de dollars ont été promis pour Haïti par le gouvernement Harper. Jusqu'ici, 150 millions ont été déboursés en aide d'urgence et par le fonds de jumelage. Ce même fonds doit fournir 110 des 400 millions de dollars en deux ans promis par le Canada à la conférence des grands donateurs, à New York en mars. L'ACDI prévoit enfin dépenser les 45 derniers millions après 2012.

Le Canada s'est également engagé à verser plus de 33 millions pour aider Haïti à éponger sa dette internationale.

Organismes qui ont reçu des sommes du Fonds d'aide aux victimes du séisme en Haïti

Croix-Rouge canadienne : 19,2 millions

Aide à l'enfance-Canada : 4,1m illions

Vision mondiale Canada : 6,8 millions

Oxfam-Québec : 2millions

Total des organisations canadiennes : 32 millions

Mouvement international de la Croix-Rouge (sans le Canada) : 21,7 millions

ONU (PNUD, Programme alimentaire mondial, OCHA): 11,3 millions

TOTAL: 65 millions