L'Équipe d'intervention en cas de catastrophe (ÉICC) du Canada est arrivée en Haïti dans la foulée du violent séisme du 12 janvier sans équipement et entraînement adéquats, tandis que de l'aide médicale d'urgence a dû céder sa place aux journalistes, selon un bilan provisoire.

Le rapport, dont La Presse Canadienne a obtenu copie en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, révèle que l'aide envoyée en Haïti a été tellement précipitée et qu'elle était gérée par tellement d'organismes au Canada que les soldats sont arrivés sans armes, sans munitions et sans leurs vêtements pare-balles.

Il ajoute que l'ÉICC a perdu le contrôle de ce qui était envoyé en Haïti, ce qui a entraîné des retards dans l'acheminement de matériel essentiel au traitement des victimes après le tremblement de terre.

«Dans plusieurs des cas, de l'équipement crucial de l'ÉICC a carrément été expulsé des vols, peut-on lire dans le rapport. Cela a nui à la capacité de l'ÉICC d'offrir des soins médicaux plus complexes.»

Cette équipe, une force militaire de réaction rapide qui offre de l'aide humanitaire en cas de catastrophe, a aussi peiné à acheminer du personnel de sécurité vers Haïti à bord d'un des premiers vols, parce qu'ils ont dû céder leur place à des journalistes. «Cela a potentiellement mis en péril le personnel militaire et civil canadien», ajoute le document.

Le rapport n'explique pas pourquoi cette équipe spécialisée ne possédait pas d'emblée tout l'équipement et toute la formation requis pour son déploiement d'urgence. On note toutefois 54 dérogations en premiers soins, en forme physique et en manipulation d'armes, ce qui signifie que les officiers ont accepté que certains membres n'aient pas reçu toute la formation requise avant d'être déployés.

Le rapport explique par exemple que certains soldats ont reçu des armes pour lesquelles ils n'avaient ni expérience, ni confiance.

Un porte-parole militaire a par contre affirmé par courriel que ces problèmes de formation n'ont pas eu d'incidence sur le succès opérationnel de la mission, baptisée «Opération Hestia».

Au lendemain du séisme, une équipe de reconnaissance s'est rendue en Haïti pour déterminer où l'ÉICC serait la plus utile. Cette information n'a jamais été utilisée correctement, puisque les priorités changeaient constamment sous l'influence de nombreux groupes impliqués au Canada, lit-on dans le bilan provisoire.

Les priorités ont été déterminées «sans respect pour l'information provenant du terrain, affirme le document. Les recommandations de l'équipe de reconnaissance doivent être prises au sérieux avant de déployer des forces additionnelles, comme cela s'est produit pour l'opération Hestia».

Le document laisse aussi entendre que l'empressement politique à intervenir sur le terrain pour dégager les ruines et soigner les blessés a nui à l'efficacité de l'opération. «Le déploiement rapide a peut-être satisfait l'objectif stratégique de démontrer que le Canada faisait quelque chose, indique le rapport. Toutefois, cela a eu un effet inverse sur l'objectif opérationnel d'offrir une aide humanitaire efficace et rapide.»

Les efforts de l'ÉICC se sont éventuellement concentrés dans la ville de Jacmel, dans le sud du pays, qui a été à demi anéantie par le séisme. Les équipes militaires ont nettoyé les débris, installé des toilettes dans les camps de réfugiés, construit des abris et assuré la sécurité aux sites de distribution de nourriture.