Les gravats du terrible séisme qui a ravagé Port-au-Prince en janvier dernier ne cessent de s'accumuler près du port. Si pour beaucoup cet amas de pierre et de métal tordu est un triste spectacle, il a nettement plus de valeur pour les responsables chargés de rebâtir la capitale haïtienne, à savoir un matériau permettant de reconstruire des routes et le front de mer.

Le séisme d'une magnitude de 7,0 du 12 janvier a généré des millions de mètres cubes de gravats, de quoi remplir plusieurs stades. Mais 90% peuvent être recyclés, assure Mike Byrne, un spécialiste des travaux publics à l'Agence américaine pour le développement international (USAID), organisme gouvernemental chargé de l'aide humanitaire et économique à l'étranger.

Ces décombres ont «plusieurs vies. Leur recyclage et leur usage potentiel peuvent être des agents économiques de la reconstruction», ajoute-t-il. Une noria de camions bennes remplis de gravats se fraye donc un chemin dans les rues encombrées de Port-au-Prince. La plupart des routes ont été dégagées, mais les embouteillages sont de retour à Port-au-Prince.

«Je ne peux pas faire plus de trois voyages par jour, deux si la circulation est vraiment mauvaise», dit Lucner Jean-Philipe, un entrepreneur travaillant sous contrat avec l'USAID. Il attend qu'une dizaine d'hommes chargent dans son camion les restes d'un mur effondré d'une université, dans le quartier de Turgeau. Puis il prend la direction du port, où un centre de tri accueille environ 80 camions par jour.

On y sépare, à la main, morceaux de murs, briques et pierres du reste des débris: poutres d'acier ou de bois, planches. Ou, parfois encore, des restes humains. Le séisme, selon une estimation du gouvernement haïtien, a fait 230 000 morts.

Stanley Louis, directeur d'une entreprise de construction travaillant avec l'USAID, a pour instruction d'enterrer les ossements qu'il est amené à découvrir. Il les conserve à part, sous une tente, en attendant de trouver une meilleure solution.

Une fois triés, les gravats doivent être réutilisés pour un plan de reconstruction de la capitale, prévoyant notamment une extension du front de mer. «C'est une occasion de mieux faire les choses. Je suis convaincu qu'on aura à court terme un Port-au-Prince mieux construit, d'ici trois à cinq ans», prévoit Gérard-Émile «Aby» Brun, responsable gouvernemental chargé de la gestion des matériaux.

À l'approche de la saison des pluies, les efforts se concentrent pour dégager les fossés et tranchées du système d'égouts, obstrués par des constructions en ruines. Certains propriétaires et entreprises privées ont effectué leurs propres travaux de dégagement, et les débris s'entassent ça et là. La phase de démolition et de terrassement, quartier par quartier, maison par maison, devra attendre la fin de la saison des pluies.

Au centre de tri installé à côté de Cité Soleil, le plus grand bidonville de Port-au-Prince, l'entreprise sous-traitante a creusé des tranchées et a installé des clôtures de barbelé autour du site, gardé par des vigiles, pour empêcher les pillards de s'emparer des piles de bois et matériaux récupérés.

L'étendue des destructions complique les opérations de dégagement, note Mike Byrne. Nombre de maisons étaient construites en béton non renforcé, et se sont vite effondrées. «C'étaient les maisons des gens, leurs églises, leurs hôpitaux. Nous devons être délicats», souligne-t-il.