Erod, 18 mois, agrippe les barreaux de son lit de bébé, un grand sourire aux lèvres, inconscient de ce qu'il a enduré depuis dix semaines: dans la foulée du séisme à Haïti, ce bambin a été retrouvé dans un tas d'immondices puantes, abandonné à la mort.

Lorsqu'il a été découvert, le garçonnet souffrait de malnutrition chronique, et peu auraient parié sur sa survie. Transporté dans un hôpital tenu par l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF) à Cité Soleil, l'énorme bidonville de Port-au-Prince, il a été placé en soins intensifs pendant plusieurs semaines.

«En ce moment, nous lui cherchons une place afin qu'il quitte l'hôpital mais on ne sait pas où», raconte à l'AFP Emmanuel Massart, infirmier belge de MSF.

«On l'appelle Erod, mais je ne sais même pas qui a choisi son nom», ajoute l'humanitaire de 28 ans.

Et dans un pays où 40% de la population à moins de 14 ans et où près d'un enfant sur dix décède avant d'avoir cinq ans, l'avenir du petit survivant est très incertain.

Comme Erod, à qui il manque un doigt à la main droite et dont le crâne dégarni montre les séquelles de mois de privation, de nombreux enfants en bas âge sont abandonnés par des familles qui ne savent pas comment les nourrir.

Erod, qui est censé bientôt quitter l'hôpital pour un orphelinat, n'est plus une urgence pour le docteur Manuel Dewez, qui est submergé de cas possibles de méningite, paludisme et gastro-entérite.

«Regardez ce petit bébé», dit le docteur Dewez en soulevant un rideau qui laisse apparaître un visage minuscule enveloppé dans des langes.

Bechina, le dernier arrivé, est un petit garçon né prématurément il y a deux ou trois mois, et qui ne pèse qu'un kilogramme.

Comme on le constate dans la plupart des hôpitaux de campagne des pays en développement, souligne le médecin, c'est la déshydratation souvent due aux gastro-entérites qui tue le plus.

«C'est tellement dommage, parce que c'est très facile à traiter», déplore Dewez. «Nous n'avons pas eu beaucoup de décès. En quatre semaines ici, nous n'en avons eu que trois ou quatre, ce qui est très peu en fait», explique ce médecin à l'AFP.

«Ce dont on a besoin ce sont des outils de diagnostics plus sophistiqués, comme des tests de laboratoires. Et on a besoin de plus de personnel pour faire tourner les équipes», ajoute-t-il.

Karel Janssens, responsable de la coordination de MSF sur le terrain, se félicite d'avoir travaillé dans le bidonville de Cité Soleil de 2005 à 2007, ce qui l'a mis l'ONG en meilleure position pour intervenir après le tremblement de terre.

«Les gens de Cité Soleil nous connaissent très bien», dit Karel Janssens. La clinique, du nom de CHOSCAL, a traité les graves traumatismes après le tremblement de terre, mais est maintenant revenue à une activité normale initiale d'hôpital de terrain. Les files d'attente s'allongent.

La violence qui prévalait dans le bidonville de Cité Soleil avant le séisme est de retour: dans la salle d'opération, un jeune homme blessé par balle arrive sur un brancard orange.

«Ici, on est à un rythme d'une blessure par balle par jour», explique M. Janssens. «On voit passer une quarantaine de cas de blessures par violence par semaine, notamment beaucoup de blessures par lapidations ou par machette». MSF ne donne aucune information à la police sur ces blessures, voulant conserver la confiance des patients.