Deux mois après le séisme qui a ravagé leur pays, les centaines de milliers d'Haïtiens ayant perdu leur maison vivent toujours dans des camps de fortune insalubres. Malgré ses promesses, le gouvernement semble loin de pouvoir reloger ces sinistrés, alors que les ONG craignent que la saison des pluies, imminente, vienne ajouter à la catastrophe humanitaire.

Depuis le tremblement de terre du 12 janvier, ils sont 600 000 Haïtiens à vivre sous des tentes, des bâches ou de simples draps dans des camps surpeuplés et insalubres, envahis par les moustiques et les mouches, où, en l'absence de toilettes, règne une odeur pestilentielle.

Et la situation pourrait empirer avec l'arrivée de la saison des pluies, qui débute normalement vers le 1er avril. «C'est vraiment une situation désespérée (...) On a toutes les caractéristiques d'une catastrophe majeure», s'alarme Alex Wynter, porte-parole en Haïti de la Fédération internationale des Croix-Rouges et des Croissants-Rouges. Selon lui, il est pratiquement impossible que les abris soient en place avant le début des pluies. «Certains d'entre nous prient, littéralement, pour que la saison des pluies soit légère».

Quelques jours après le séisme, le gouvernement haïtien s'était engagé à commencer à reloger les sinistrés dès le début février. Les organisations internationales ont déjà les plans nécessaires pour construire au moins 140 000 abris, mais attendent toujours que les terrains pouvant les accueillir soient disponibles.

Le Premier ministre Jean-Max Bellerive a reçu jeudi plusieurs grands propriétaires terriens, sans que ne filtre aucune information sur la nature des discussions. Le chef du gouvernement a seulement réaffirmé que le relogement des sinistrés demeurait sa priorité.

«Je peux comprendre la frustration des gens dans la rue. Je peux comprendre la frustration des gens qui attendent de meilleures conditions» de vie, a-t-il déclaré. Mais, a-t-il ajouté, «les gens en parlent comme si cette situation durait depuis deux ans. Deux mois, c'est très court par rapport à ce que nous avons enduré en Haïti».

Pour obtenir les terrains nécessaires, le gouvernement haïtien fait face à deux écueils: son manque d'argent et le découpage traditionnel des parcelles dans le pays.

Il lui en coûtera d'abord environ 86 millions de dollars (62 millions d'euros) pour construire les sites qui accueilleront les abris et 40 millions supplémentaires (29 millions d'euros) pour indemniser les propriétaires terriens, selon Gérard-Emile Brun, conseiller du gouvernement sur le relogement.

Haïti ne dispose pas de ces sommes et va devoir se tourner vers la communauté internationale, elle-même méfiante à l'idée de prêter directement de l'argent à un gouvernement longtemps gangrené par la corruption.

Deuxième problème: le découpage des terres, un sujet de tension tout au long de l'histoire d'Haïti qui a notamment contribué à la révolte des esclaves ayant conduit à l'indépendance du pays vis-à-vis de la France en 1804.

D'importantes parcelles, parmi lesquelles d'anciennes plantations de canne à sucre, sont aux mains d'une poignée de grands propriétaires terriens. Le reste est divisé en petits lopins destinés à l'agriculture. «Il n'y a que très peu de personnes qui possèdent des domaines que l'on peut réquisitionner pour y installer des camps (...) Sinon, nous aurions déjà trouvé les terres», affirme Gérard-Emile Brun.

Vendredi, environ 700 personnes vêtues de blanc ont défilé à Port-au-Prince en mémoire des victimes du séisme, et pour rappeler au gouvernement son engagement à reloger les sinistrés. «Le message est que le gouvernement doit prendre ses responsabilités et aider les gens à quitter les rues pour avoir une vie décente», a demandé l'un des participants, Thomas Esau, 29 ans.