Si c'était à refaire, «je donnerais encore mon fils. Ansitho mérite une vie meilleure que ce que nous avons», a expliqué à l'AFP Anchello Cantave, un paysan de Callebasse qui, comme d'autres, avait remis son fils de cinq ans aux baptistes américains aujourd'hui inculpés.

«Deux jours après le tremblement de terre», les dix missionnaires ont rendu visite aux habitants de ce hameau situé dans une région montagneuse, à une heure de voiture à l'est de Port-au-Prince, où une cinquantaine de maisons ont été détruites, raconte à l'AFP Anchello Cantave.

«Ils venaient souvent voir les enfants», dit cet homme de 36 ans, expliquant que leur mission se trouve à Quisquella, non loin de Callebasse.

Ce fermier se dit convaincu de la bonne volonté des Américains arrêtés le 29 janvier à la frontière dominicaine avec 33 enfants présentés comme orphelins et qui ont été inculpés jeudi d'«enlèvement de mineurs et association de malfaiteurs» par la justice haïtienne.

«Les Américains ont pris les enfants en accord avec nous, les parents», répète à l'envie un autre père qui a donné un enfant. Fritzian Valmont est le père de trois enfants âgés de 11, 8 et 2 ans. Après discussion avec son épouse, il avait décidé de confier aux baptistes «celle du milieu», Alentina.

La fillette est partie «avec deux fils de ma soeur, Carl Ramirez et Dawin Stanley», tous les deux 8 ans», déclare M. Valmont.

«S'il y avait eu un grand autobus qui aurait pu prendre plus d'enfants, beaucoup plus seraient partis», insiste-t-il sans exprimer de regrets, mais avec l'orgueil d'un père déterminé à offrir le meilleur à sa fille.

À un mètre des deux pères, se tient Jean Ricia Geffrand. Un voile devant les yeux, cette veuve de 47 ans, mère de cinq enfants et déjà grand-mère, porte les stigmates d'une vie de misère.

En créole, elle raconte que le jeudi qui a suivi le séisme, «un homme qui vit ici», nommé Isaac, leur a rendu visite. Traducteur des Américains, «il nous a demandé si nous voulions que les enfants partent avec eux, dans une école en République Dominicaine, où ils seraient mieux qu'ici».

Non loin d'elle, Saurentha Muran, assise sur un bloc de ciment, lance: «J'en ai aussi donné un».

Mère du petit Ansitho, elle explique en avoir «discuté» avec son mari Anchello Cantave. Puis, «nous avons demandé aux trois (enfants) s'ils voulaient aller à l'école en République Dominicaine. Ansitho m'a dit qu'il voulait partir», ajoute la jeune femme, qui doit accoucher d'un quatrième d'ici un mois.

Comme tous les parents qui ont confié leurs enfants aux baptistes, elle n'a rien reçu en échange, affirme-t-elle.

«Nous les avons donnés, et la seule raison pour laquelle on veut maintenant les récupérer, c'est que nous avons trop de problèmes avec la presse», lâche Fritzian Valmont.

Sa soeur Josette Massillon, mère de Carl Ramirez et de Dawin Stanley, prend son relais: il s'agissait de «sauver les enfants» et de leur offrir «un avenir bien construit».

Les 33 enfants sont temporairement pris en charge par une organisation caritative, en attendant que leur identité soit vérifiée.

Les Américains de leur côté se sont vu refuser leur demande de remise en liberté conditionnelle et doivent être transférés dans des prisons surpeuplées en attendant le procès.

Sans ambages, Anchello Cantave, le père du petit Ansitho, avoue: «Après le jugement, s'il peut encore partir avec les enfants, je serai d'accord».