Les dix Américains soupçonnés d'avoir voulu exfiltrer une trentaine d'enfants haïtiens ont été inculpés jeudi à Port-au-Prince, mais les autorités regrettaient que cette affaire occupe le devant de la scène aux dépens des secours et de la reconstruction du pays.

Trois semaines après le tremblement de terre qui a tué au moins 200 000 personnes, les dix Américains ont été inculpés «d'enlèvement de mineurs et d'association de malfaiteurs», a indiqué le procureur de Port-au-Prince, Mazar Fortil. Ils encourent jusqu'à neuf ans de prison, selon le bâtonnier de la capitale, Gervais Charles.

Dans la foulée, le ministre de la Justice haïtien Paul Denis a voulu couper court au débat portant sur leur éventuel jugement aux États-Unis: «Ils ont commis un crime en Haïti, donc c'est en Haïti qu'ils doivent être jugés», a-t-il dit à l'AFP.

«Quand un Haïtien commet un crime aux Etats-Unis, est-ce qu'il est jugé en Haïti ou au Etats-Unis?», a-t-il demandé.

À la sortie de leur audition, les Américains, membres d'une association religieuse baptiste, ont fait face à l'hostilité de la foule, essentiellement composée de journalistes. Des photographes haïtiens ont retiré la veste noire avec laquelle les Américains tentaient de cacher leurs visages.

Visiblement déçus, les baptistes, qui étaient venus avec des bagages, se sont recueillis pour prier, chantant les yeux fermés, à l'arrière du véhicule de la police qui les reconduisait à la Direction de la police judiciaire (DCPJ), où ils sont détenus depuis vendredi.

En vertu des lois haïtiennes, la justice a désormais trois mois pour instruire l'affaire, a-t-on précisé au parquet.

Les dix membres de ce groupe appartenant à l'association religieuse et caritative «Le refuge pour une nouvelle vie des enfants», basée dans l'Idaho (nord-ouest des États-Unis), avaient été interpellés vendredi près de la frontière dominicaine en compagnie de 33 enfants de 2 mois à 12 ans. Certains ont depuis été réclamés par des personnes se présentant comme leurs parents.

«Nous ne sommes venus que pour aider les enfants. Nous avions de bonnes intentions», s'était défendue Laura Silsby, la chef du groupe religieux.

À Washington, le département d'État a pris acte des inculpations, sans les commenter. «Nous allons continuer à fournir une assistance consulaire et à surveiller les développements de l'affaire», a dit un porte-parole.

«Nous savons qu'ils ont accès à nos responsables des affaires consulaires», a déclaré l'ambassadeur des États-Unis en Haïti, Kenneth Merten, à des journalistes.

«Nous sommes en discussion avec le gouvernement haïtien. Ce que nous souhaitons faire, c'est nous assurer qu'ils sont traités dans le respect de la loi, de la loi haïtienne», a-t-il ajouté.

M. Bellerive a regretté que cette affaire ait pris ces derniers jours le dessus dans l'esprit des Haïtiens «qui parlent davantage de dix personnes que du million d'autres qui souffrent dans les rues».

Comme pour lui donner raison, l'Unicef a estimé que le séisme du 12 janvier avait provoqué «la plus grave crise de protection des enfants jamais vue» en raison du grand nombre d'orphelins et d'enfants séparés de leurs parents.

«Les risques de traite des enfants, d'enfants vendus dans des conditions proches de l'esclavage ou d'adoption illégale sont significatifs», a déclaré la directrice générale adjointe du Fonds des Nations unies pour l'enfance, Hilde Johnson.

Elle a rappelé que «près de 40% des Haïtiens ont moins de 14 ans» et qu'avant le séisme, 300 000 enfants haïtiens vivaient dans des orphelinats.

Alors que l'aide internationale se met tant bien que mal en place, le nouveau coordinateur de l'aide internationale pour ce pays, Bill Clinton, se rendra vendredi en Haïti pour la seconde fois depuis le séisme.