«Un médecin français est venu me chercher. Un enfant allait être opéré et il pleurait. Je lui ai dit, dans sa langue: regarde-moi, petit, je suis couleur chocolat, comme toi. Ça va aller. Donne-moi la main. Le monsieur, là, il est gentil. Et le petit a cessé de pleurer.»

Des petites victoires comme celles-ci, Véronique Ductant, une infirmière Québécoise d'origine haïtienne, les racontait à la chaîne ce matin. Fébrile, elle est rentrée pendant la nuit d'un séjour de deux semaines dans un hôpital d'Haïti. Elle y était avec un groupe d'une trentaine de médecins, d'infirmières et de logisticiens canado-haïtiens chapeautés par le CECI.

Le groupe est arrivé à Port-au-Prince le 20 janvier. Il s'est déployé principalement à l'hôpital de Diquini, où il s'est mis à travailler immédiatement avec une équipe de médecins français et américains.

Trilingue (français, anglais et créole), l'équipe du Québec a notamment assuré de meilleures communications entre les travailleurs humanitaires et les patients de l'hôpital.

Les blessés arrivent par dizaines, mais les conditions sanitaires préoccupaient les professionnels de la santé. «Il n'y avait pas assez de matelas pour coucher nos patients. On les opérait, et après, on devait parfois les déposer à même le sol. On essayait de trouver des solutions. On coupait des boîtes de carton», a raconté la Dre Yanouchka Labrousse, médecin de famille à l'hôpital Charles-Lemoyne.

Les médecins et les infirmières bénévoles se sont toutefois dit surpris, quotidiennement, par la capacité de guérison de certains patients.

«On était époustouflés. Il y a des tas d'amputations en Haïti et la distribution du sang est presque inexistante là-bas. Les menaces de pertes humaines, c'était presque toujours en raison du manque de sang. On a vu des taux d'hémoglobine... on ne comprenait pas comment certains de nos patients vivaient. Et ça, c'est encourageant pour un médecin!»

Prochaine étape: les soins psychologiques Les patients de l'hôpital où travaille maintenant une nouvelle équipe du CECI bénéficient d'eau potable et de trois repas par jour. D'un point de vue médical, Haïti a toujours besoin de médecins, mais aussi de physiothérapeutes et de psychologues, notamment.

«Les patients avaient le choc de l'amputation, mais ils vivaient surtout le choc de la perte de leur maison, et de leurs proches. La chronicité de l'amputation, ils vont la vivre par la suite. Le choc se fait de façon étalée», raconte la Dre Coralie Gervais, médecin à l'Hôtel-Dieu de Gaspé.

Elle est née ici, mais elle a vécu quelques années de sa vie en Haïti. Elle compte aussi retourner à Port-au-Prince au cours des prochains mois avec une nouvelle équipe du CECI.

Le retour au Québec est nécessaire pour se ressourcer, croit Véronique Ductant. «J'ai travaillé 18 ans dans un hôpital! J'ai travaillé à l'urgence, jour après jour. Et pourtant, j'ai trouvé ça difficile. Je voulais rester un mois, et j'ai dû revenir. Car oui, j'ai craqué quelques fois, raconte-t-elle. Ici, des cas lourds, on en voit, mais pas tout le temps! Et on a une salle pour décompresser, pour pleurer. Mais là-bas, on ne pouvait pas. On n'avait pas le temps!»

Aucun des membres du groupe n'a été payé pour son travail à Port-au-Prince. Au sujet de la controverse soulevée par la nécessité, ou non, de payer les équipes médicales à Haïti, les médecins du groupe ont précisé qu'il s'agit d'une question délicate.

«Je crois que quelqu'un qui décide de s'impliquer ne devrait pas être payé, a déclaré Dre Gervais. Mais c'est toute une question morale. Il y a des organisations qui paient leurs travailleurs, alors... on peut en faire une décision personnelle.»

Le CECI a récolté jusqu'à maintenant plus de 8 millions de dollars pour Haïti.