Une douzaine de pays réunis à Montréal lundi se sont engagés à travailler pendant au moins 10 ans à la reconstruction d'Haïti, dans le plein respect de sa souveraineté. Mais aucune somme d'aide n'a été précisée.

La conférence ministérielle d'une journée a permis au Groupe des amis d'Haïti, en collaboration avec le gouvernement Préval, de coucher sur papier les principes et objectifs qui les guideront dans la «construction d'un pays nouveau».

Il s'agit d'une première étape majeure avant la conférence internationale élargie, qui aura lieu au siège social des Nations unies à New York, en mars prochain.

«Nous resterons solidaires d'Haïti à long terme, peut-on lire dans la déclaration finale. Un engagement initial de 10 ans est essentiel, de même que des efforts concertés, afin de renforcer les capacités de l'État haïtien.»

Aux côtés de six autres représentants ministériels, dont la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton et le ministre français Bernard Kouchner, le ministre canadien Lawrence Cannon s'est félicité d'avoir réuni les principaux donateurs autour d'une «vision commune», d'un engagement «initial» de 10 ans.

Le premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive, s'est montré satisfait de la rencontre. Alors qu'il a reconnu que son pays «demande encore» à la communauté internationale de l'aider, il a promis que son gouvernement ferait aaussi sa part.

M. Bellerive a en effet énuméré avec lucidité trois failles qu'il s'engage à corriger : l'incapacité du gouvernement à répondre aux crises ; la centralisation excessive de l'activité économique (le séisme a rayé d'un coup 60 % du PIB) ; la difficulté de convaincre les investisseurs étrangers et la diaspora de revenir au pays.

«La situation (d'avant le séisme du 12 janvier) n'était pas acceptable pour la population», a reconnu M. Bellerive. «Pourquoi tant d'efforts n'ont pas abouti à un développement d'Haïti?» a-t-il demandé.

Huis clos

Les pourparlers se sont déroulés toute la journée derrière les portes closes du siège social de l'Organisation de l'aviation civile internationale, au centre-ville de Montréal. Avec l'aide de l'ONU et des organisations non gouvernementales, qui ont dressé un portrait détaillé de la situation sur le terrain, les délégués ont réussi à cerner six «principes» et trois «objectifs stratégiques» qui les guideront dans la suite des choses.

En gros, les donateurs promettent de travailler en toute transparence dans la répartition et la gestion des ressources, d'inclure les Haïtiens dans les efforts de relance et, surtout, de respecter la souveraineté d'Haïti.

«Ce n'est pas pour les occuper, a indiqué le ministre Kouchner, ce n'est pas pour les diriger, c'est pour leur donner, sous leur direction, suffisamment d'espoir, de transformation, de réalisation et peut-être de gouvernance. Avec eux, pour eux.»

De leur côté, les organisations non gouvernementales qui avaient été invitées par le gouvernement canadien à participer à la rencontre et à dresser un état des lieux ont réclamé l'annulation de la dette d'Haïti.

Si les organismes prêteurs, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ont accueilli cette demande avec la plus grande prudence, la secrétaire d'État Hillary Clinton s'est montrée favorable à un tel geste. «C'est une pièce très importante du casse-tête», a-t-elle déclaré.

Situation urgente

L'urgence de la situation, deux semaines après la terrible secousse qui a dévasté le pays, a aussi incité les quatorze pays et quatre organisations internationales présentes à cette «conférence préparatoire» à dresser une courte liste de besoins humanitaires immédiats.

Le coordonnateur des secours d'urgence, le secrétaire général adjoint de l'ONU John Holmes, a rendu un état de la situation assez large. Il a notamment évoqué les besoins urgents en tentes (200 000) et en repas prêts à manger (plus de 10 millions).

Il a qualifié le tout d'«urgent», soulignant que l'effort humanitaire n'a rejoint à ce jour que 500 000 des 3 millions de personnes dans le besoin.

«L'enjeu est maintenant d'approvisionner la population avec des plats prêts à manger pour les deux à trois prochaines semaines», a précisé M. Holmes, avant de demander à tous les pays disposant de tels stocks de nourriture de communiquer avec le Programme alimentaire mondial «pour offrir tout ce que vous pouvez».

Par ailleurs, la question de l'agriculture a été évoquée par Hillary Clinton, au sortir de la présentation du représentant de l'ONU. En marge d'une rencontre bilatérale avec le premier ministre canadien, Stephen Harper, la secrétaire d'État a souligné que «l'agriculture n'obtient pas l'attention qu'elle mérite». «Nous voulons travailler avec le Canada sur cette question», a-t-elle ajouté.

Mais combien tout cela coûtera aux pays donateurs? Il est prématuré de poser la question, car nous n'avons pas d'évaluation détaillée des travaux nécessaires, a répondu M. Bellerive. «Aujourd'hui il n'y a pas eu de formulation de demande spécifique par rapport au financement de projets qui auraient été déposés sur la table», a-t-il indiqué.

- Avec la collaboration de Judith Lachapelle, Katia Gagnon et André Duchesne