Les organismes d'aide humanitaire oeuvrant à Haïti estiment que le tremblement de terre de la semaine dernière n'aurait pu survenir à un pire endroit ou à un pire moment.

Faisant le point en conférence téléphonique, mardi, une semaine après la catastrophe, la Coalition humanitaire regroupant Oxfam Canada, Care Canada et Save the Children constate que les conditions sur le terrain compliquent l'effort humanitaire.

Le président de Care Canada, Kevin McCourt, affirme que ses travailleurs n'ont jamais rien vu de pareil. «Ils nous disent qu'ils sont en présence d'une «tempête parfaite', la pire combinaison de circonstances possibles pour une catastrophe: elle a frappé la nation la plus pauvre de l'hémisphère; le pays peinait déjà à se remettre de tempêtes tropicales en 2008; une région densément peuplée - jusqu'à 3 millions d'habitants ont été affectés; la capitale est décimée, incluant les structures et systèmes gouvernementaux; il n'y a qu'un seul aéroport fonctionnel, ce qui crée un goulot d'étranglement.»

«L'aide se rend mais cela prend certainement plus de temps que l'on voudrait. Et nos travailleurs nous disent que l'ampleur des dommages, tant sur le plan personnel que communautaire que national, est sans précédent.»

Selon Michel Verret, d'Oxfam-Québec, le fait que la capitale soit au coeur de la zone sinistrée cause des problèmes additionnels. «Tout était concentré à Port-au-Prince en termes d'organisation du gouvernement, de l'Etat. Le pouvoir était centralisé là. A partir du moment où Port-au-Prince n'existe presque plus en termes de structures, ça veut dire que tout a été détruit. Ça, c'est une difficulté très importante.»

Il ajoute que, bien que l'effort soit en marche depuis une semaine, il commence à peine à se faire sentir. «C'est évident qu'on ne peut pas être partout à la fois. Quand vous distribuez à 5000 ou 10 000 personnes de l'eau et qu'il y en a 100 000 qui en ont besoin, c'est sûr que vous n'avez pas répondu au besoin. Mais vous avez commencé une réponse.»

Et pourtant, vue de l'extérieur, cette réponse paraît colossale. La Croix-Rouge a amassé jusqu'ici 33,7 millions $ au Canada, somme qui exclut des montants qui proviendront de ses partenaires corporatifs qui participent à l'effort de financement.

Ainsi, par exemple, les supermarchés IGA au Québec recueillent les dons de leurs clients pour la Croix-Rouge depuis vendredi dernier et, un décompte préliminaire lundi a permis de constater la générosité des Québécois, de dire Anne-Hélène Lavoie, conseillère principale en communications chez Sobeys Québec. «Après trois jours nous avions ramassé plus de 500 000 $. C'est assez extraordinaire. Nous mêmes, ici à l'interne, on a été estomaqués de la réponse de la clientèle chez IGA.»

Plusieurs autres entreprises en font autant auprès de leurs clients ou employés ou même de leurs propres revenus.

La Coalition humanitaire, pour sa part, avait amassé 3,5 millions $ sur un objectif de 5 millions $ qu'elle se dit confiante d'atteindre.

Le gouvernement fédéral, faut-il le rappeler, a promis de contribuer une somme équivalente à celle qui sera amassée par les grands organismes caritatifs.

Sur le terrain, les priorités demeurent les mêmes, soit fournir de l'eau potable et de la nourriture, assurer des conditions sanitaires, offrir des premiers soins d'urgence et des abris.

Save the Children se consacrait à faire parvenir des fournitures médicales et à opérer des cliniques mobiles ainsi qu'à organiser des unités d'habitation pour accueillir les milliers d'enfants qui se retrouvent seuls.

M. McCourt, de Care Canada, se disait par ailleurs particulièrement préoccupé par le sort des femmes et des filles, rappelant qu'il y a environ 30 000 femmes enceintes dans la zone sinistrée. Il a aussi dit craindre une montée des viols et de la violence sexuelle envers les femmes.

La Croix-Rouge avait quant à elle réussi à déployer son hôpital de campagne, une installation de 250 lits capable de desservir en temps normal une population de 250 000 personnes. De plus, ses installations d'assainissement des eaux étaient fonctionnelles depuis la semaine dernière et fournissaient 100 000 litres d'eau par jour.

Quant à une éventuelle reconstruction, Michel Verret ne se faisait pas d'illusions. Il faudra quelques mois, selon lui, pour rétablir des infrastructures fonctionnelles afin de permettre une certaine normalisation des activités quotidiennes mais plusieurs années pour véritablement reconstruire de façon durable le pays.

A Montréal, la Croix-Rouge avait par ailleurs pris en charge environ 600 des 1000 personnes ayant transité par la métropole en provenance d'Haïti. Les équipes locales s'assuraient ainsi d'évaluer les besoins, fournir des moyens de communication et d'assurer l'hébergement et l'alimentation des personnes qui se trouvaient dans le besoin à leur arrivée au pays.

Pendant ce temps, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) met en garde les citoyens contre les faux organismes de bienfaisance. Les policiers fédéraux conseillent notamment de se méfier des arguments visant davantage à vous émouvoir; de demander des renseignements écrits sur l'oeuvre de bienfaisance; de demander aux interlocuteurs de s'identifier; de se méfier des organismes dont le nom ressemble étrangement à celui d'un organisme reconnu.