Jean-Pierre Landry s'est envolé de l'aéroport de Port-au-Prince, mardi dernier, 20 minutes avant le tremblement de terre qui a foudroyé Haïti. Sa femme, Hélène Rivard, était au travail, au Centre de gestion des fonds, un des projets phares du Canada en Haïti. Ce n'est qu'en arrivant à Montréal que M. Landry a appris ce qui s'était passé après son départ et imaginé, pour la première fois, que sa femme pouvait avoir perdu la vie.

Hélène Rivard a vécu toute une vie de développement international. Il y a 25 ans, elle avait commencé sa carrière de coopérante... en Haïti. Ensuite, elle a roulé sa bosse dans une multitude de pays. Elle a rencontré son mari au Zaïre, puis ils ont mené ensemble des projets au Honduras, au Guatemala, en Colombie, au Niger, puis au Sénégal. Le couple a élevé ses deux filles à l'étranger.

 

En août dernier, la femme de 52 ans est retournée en Haïti comme directrice du Centre de gestion des fonds, un projet de premier plan de l'Agence canadienne de développement international. Financer la construction d'écoles, d'hôpitaux. Le défi était immense. «Haïti est l'un des pays où le défi de développement est le plus grand dans le monde.»

» Une capitaine de bateau»

Partout où elle passait, Hélène Rivard s'investissait avec son immense énergie. «Elle était un capitaine de bateau. Très engagée. Généreuse. Une professionnelle de haut calibre. Elle était toujours la première arrivée au bureau et la dernière partie le soir. Alors, je savais qu'à l'heure du tremblement de terre, à 17h, elle était forcément au bureau. Les bâtiments sont fragiles, en Haïti. Même les bâtiments bien construits ne répondent pas aux normes», raconte Jean-Pierre Landry.

«Et je me suis aussi dit: mais pourquoi j'ai pris l'avion? Pourquoi ne suis-je pas là-bas?»

M. Landry tente alors de faire jouer son réseau de contacts afin qu'on retrouve sa femme, peut-être vivante sous les décombres. «Ça a été une bataille jusqu'à vendredi. Pour s'assurer qu'on fasse le maximum pour la retrouver.» Sa voix se casse. Il fond en larmes. «Si on a 300 personnes au Montana et deux personnes un peu plus loin, le choix est clair pour les équipes de sauvetage.»

Finalement, la secrétaire de sa femme, Joëlle Pompée, est miraculeusement tirée des décombres au bout de 24 heures. C'est elle qui confirme le décès d'Hélène Rivard. «Elle a dit qu'Hélène était dans son bureau. Qu'elle a vu le mur s'écrouler. En 24 heures, elle n'a entendu aucun son, aucune plainte, aucun gémissement.» Vendredi, une équipe de chercheurs français équipée de chiens pisteurs n'a détecté aucun signe de vie. «On a déclaré Hélène décédée.»

Jean-Pierre Landry a alors annoncé la nouvelle à ses deux filles, Frédérique, 20 ans, et Paule, 18 ans. «On a pleuré. On a hurlé. Le pire, c'est que le corps d'Hélène est toujours là. C'est virtuel, tout ça. Ce n'est pas net. C'est la partie la plus difficile.» Néanmoins, la famille va organiser une petite cérémonie, vendredi, afin de pleurer Hélène Rivard. Le corps sera probablement rapatrié sous peu puisqu'on a finalement trouvé une faille qui permettrait de se rendre au bureau de la coopérante.