Des milliers d'Haïtiens, terrifiés à l'idée d'un nouveau séisme et craignant la violence des pillards, tentaient samedi de quitter Port-au-Prince, où l'aide internationale affluait en pagaille, suscitant des tensions entre la France et les États-Unis.

Près de quatre jours après le tremblement de terre de magnitude 7 qui a fait peut-être plus de 50 000 morts, l'ampleur de la catastrophe commençait à se manifester plus clairement dans l'ensemble du pays, à mesure que les sauveteurs parvenaient à sortir de la capitale.

Alors que le sol était encore agité samedi matin par une secousse de magnitude 4,5, les habitants qui le pouvaient fuyaient la capitale, dont les quartiers les plus dévastés prenaient des allures de ville fantôme.

«Les rues sentent la mort. Nous ne recevons aucune aide et nos enfants ne peuvent vivre comme des animaux», lance Talulum Saint Fils, cherchant à fuir la capitale avec son mari et leurs quatre enfants. «N'importe où, pourvu que ce soit loin de la ville», répète-t-elle.

Pour ces Haïtiens, la seule solution est de faire appel à l'hospitalité d'un parent ou d'un ami dans une région moins affectée par le séisme de mardi. Mais les autocars sont rares et leurs prix ont doublé. Quant aux routes, elles sont loin d'être praticables.

À la sortie de Port-au-Prince, une barricade formée de pneus en feu, de débris et d'au moins quatre cadavres bloquait la route de Carrefour, où des habitants manifestaient pour exiger le retrait de piles de cadavres en décomposition.

«Ils ont déjà emporté quelques corps, mais il y en a plus, beaucoup plus», dénonçait Charles Weber, un prêtre vaudou, au milieu d'une trentaine de manifestants. Selon l'ONU, Carrefour, une ville de 334 000 habitants située tout près de l'épicentre du séisme, est à moitié détruite mais ne serait pas la plus touchée.

D'après l'ONU, 80 à 90% des bâtiments de Léogâne, plus à l'ouest, ont été endommagés. Dans cette ville de 134.000 habitants, entre 5 000 et 10 000 personnes auraient été tuées par le tremblement de terre. Une autre ville, Jacmel, est à moitié dévastée.

Pour l'ensemble du pays, des responsables haïtiens ont évalué vendredi le bilan de la catastrophe à au moins 50 000 morts, 250 000 blessés et 1,5 million de sans-abri. Plus de 15 000 cadavres ont été ensevelis, a indiqué le premier ministre Jean-Max Bellerive.

Le chaos régnait dans les rues de Port-au-Prince, où pillages et violences sont fréquents, les secours n'arrivant encore que très lentement à leurs destinataires. Quelque 6 000 détenus ont profité du séisme pour s'échapper de prisons en partie détruites.

Les autorités haïtiennes sont désemparées. «Le gouvernement a perdu ses capacités de fonctionnement mais il ne s'est pas effondré», a cependant assuré à l'AFP le président René Préval, qui a transféré le siège de son gouvernement dans un commissariat proche de l'aéroport de la capitale, que les États-Unis ont été officiellement chargés de faire fonctionner.

Dans une interview à l'AFP, M. Préval s'est félicité de l'aide internationale mais a reconnu que «le problème, c'est la coordination», les autorités parvenant difficilement à acheminer les secours une fois qui s'entassent à l'aéroport.

La France a même protesté officiellement auprès des États-Unis après qu'un de ses avions transportant un hôpital de campagne a été empêché d'atterrir.

Des hélicoptères décollent en permanence du porte-avions américain Carl Vinson, qui mouille au large de Port-au-Prince. Les appareils ont effectué 16 rotations dans la matinée afin de livrer de l'eau potable dans différents quartiers de la ville.

«La distribution de l'aide, c'est vrai que ça n'a pas vraiment démarré comme prévu», a reconnu l'ambassadeur des États-Unis en Haïti, Kenneth Merten. «Jusqu'à hier soir, on ne savait pas où les Haïtiens voulaient installer leurs points de distribution».

Les recherches pour retrouver des rescapés se poursuivront au moins jusqu'à dimanche, a affirmé un responsable des secours américain, qui a précisé que ses compatriotes avaient sauvé jusqu'à maintenant «au moins 15 personnes».

L'ONU quant à elle reste concentrée sur la recherche des survivants, a indiqué la porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires, Elisabeth Byrs.

«Le climat favorable et les structures des bâtiments ont augmenté les chances des survivants», a-t-elle expliqué à Genève. «C'est pourquoi les opérations de recherche et de sauvetage restent la priorité. La phase de sauvetage va encore durer».

Ce séisme est le pire désastre auquel l'ONU a été confrontée dans son histoire, a déclaré Mme Byrs.

Il donne lieu à «l'une des plus grandes opérations de secours» de l'histoire des États-Unis, a déclaré le président Barack Obama, dans une allocution solennelle à la Maison-Blanche aux côtés de ses prédécesseurs George W. Bush et Bill Clinton, qu'il a chargés de rassembler des fonds pour les victimes.

Plus de 10 000 soldats américains devaient être sur zone d'ici dimanche, soit au large d'Haïti, soit sur le terrain pour assurer la sécurité des secours.