Colère et désespoir gagnaient vendredi la population haïtienne face aux lenteurs de la distribution de l'aide arrivée du monde entier, trois jours après le séisme qui aurait fait jusqu'à 50 000 morts.

Dans les rues de Port-au-Prince, les sinistrés vivaient une nouvelle journée dans le chaos, au milieu des ruines, de la puanteur des cadavres et de la violence. 300 000 personnes, selon une estimation l'ONU, se retrouvent sans toit dans la seule capitale, une ville de 2,8 millions d'habitants où 10% des habitations ont été détruites. 3,5 millions de personnes, toujours selon l'ONU, vivaient dans la région la plus meurtrie par le tremblement de terre, c'est-à-dire Port-au-Prince et ses environs.

Une trentaine de pays participent déjà aux opérations d'aide sur place, selon le département d'État américain, et l'ONU a annoncé vendredi qu'elle avait reçu 268,5 millions de dollars de promesses d'aide internationale.

Mais les difficultés sur le terrain sont immenses. L'aéroport de Port-au-Prince, équipé d'une seule piste, est engorgé par le trafic des avions transportant aide humanitaire et équipes de secours. Les communications sont en piètre état et les déplacements entravés par des routes détruites ou bloquées.

Les défaillances des structures locales et la menace des pillages s'ajoutent aux obstacles logistiques. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU, qui prévoit de distribuer une aide d'urgence à 2 millions de sinistrés, a annoncé vendredi que ses entrepôts à Port-au-Prince avaient été pillés.

Un porte-avion américain à propulsion nucléaire, l'USS Carl Vinson, était attendu incessamment au large de la capitale afin de servir de base flottante pour les rotations d'hélicoptères, un élément du dispositif de secours essentiel pour soulager l'aéroport.

Le bâtiment dispose d'un système de purification d'eau, de dizaines de lits médicalisés et de trois salles d'opération. Sa présence permettra d'évacuer des blessés et de transporter des médecins, ainsi que de grandes quantités d'eau potable, a expliqué à l'AFP Nate Christensen, lieutenant dans la Marine américaine.

Sur place, plusieurs équipes de secouristes venues des États-Unis, de France, de République dominicaine ou du Venezuela sont à pied d'oeuvre pour tenter de retrouver des survivants dans les décombres.

Dans les débris de l'hôtel Montana à Port-au-Prince, des sauveteurs français ont secouru jeudi sept Américains et une Haïtienne, tandis que des secouristes américains sauvaient une Française.

L'insécurité est l'un des principaux problèmes pour les équipes de secours. «Il y a des pillages et des gens armés, parce que c'est un pays très pauvre et qu'ils sont désespérés», observait Delfin Antonio Rodriguez, chef des opérations de la défense civile dominicaine, déplorant des vols de matériel.

Difficulté supplémentaire, les sauveteurs risquent de devoir travailler en l'absence de toute coordination de la part des autorités locales, les principales infrastructures du pays étant détruites.

De 40 000 à 50 000 personnes pourraient avoir péri, selon une estimation de la Fédération internationale de la Croix-Rouge.

«Au cours des dernières heures, 7 000 personnes ont été enterrées», a déclaré jeudi soir le premier ministre péruvien Velasquez Quesquen depuis l'aéroport de Port-au-Prince où il coordonnait l'aide de son pays, après s'être entretenu avec le président haïtien René Préval.

Mais les cadavres continuaient de joncher les rues. «Nous avons passé la journée à ramasser des cadavres (...) Il y a tant de corps dans les rues que les morgues sont pleines, les cimetières sont pleins», a témoigné le chanteur américano-haïtien Wyclef Jean, venu prêter main-forte à ses compatriotes.

Beaucoup d'Haïtiens exprimaient leur colère contre le peu de réactivité de leur gouvernement. Dans les rues, des bandes de jeunes tentant tant bien que mal de porter secours aux survivants criaient leur rage face aux 4X4 des diplomates ou des travailleurs humanitaires qui passaient sans s'arrêter.

«Il n'y a pas de gouvernement. On n'a pas d'autorités», déplorait une femme.

L'ancien président Jean-Bertrand Aristide, en exil en Afrique du Sud, s'est dit vendredi prêt à rentrer dans son pays pour «rejoindre le peuple d'Haïti, partager ses souffrances et aider à reconstruire le pays». M. Aristide a dominé la vie politique haïtienne pendant près de 15 ans avant d'être contraint de quitter son pays en 2004, confronté à une insurrection armée et des pressions internationales.

Vendredi, la France a demandé l'annulation du restant de la dette d'Haïti au Club de Paris, qui regroupe les principaux créanciers publics.

La veille au soir, une réunion au sommet avait eu lieu à la Maison-Blanche entre des représentants de différentes agences et administrations américaines.

Un conseiller à la sécurité nationale du président Barack Obama devait partir dans la foulée pour Haïti avec un responsable du Pentagone pour assurer la coordination des secours.