L'impuissance est de plus en plus lourde à supporter pour les Haïtiens de Montréal face à l'immense drame qui frappe leur pays d'origine. Hier, la grogne était palpable chez une cinquantaine de membres de la communauté réunis au centre La Perle retrouvée, après une conférence de presse du ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon.

«Nous sommes à 72 heures des événements. Il fait 30 degrés en Haïti. Qu'est-ce qu'on fait?» lance une grande femme coiffée d'un turban. «Il y a urgence, urgence!» crie François Ferdinand, étudiant en techniques infirmières. Quelques heures à peine après le drame, il a offert ses services à la Croix-Rouge et au Centre d'étude et de coopération internationale. «Ils m'ont dit qu'ils avaient déjà leurs bénévoles. C'est difficile à avaler. Il me semble que, en situation d'urgence, on a besoin des gens qui connaissent le terrain.»

 

«Il faut aller là-bas», renchérit un jeune coiffé d'une casquette, lunettes soleil sur le nez. «Et comment tu vas débarquer là-bas? Avec quelle structure?» rétorque Béatrice Daleus, qui travaille pour une fondation à l'oeuvre en Haïti.

C'est manifeste, les Haïtiens de Montréal tapent du pied. «Il y a beaucoup de frustration. C'est normal. Mais on se demande quand même pourquoi on n'a pas fait appel à des organismes qui ont l'expérience du terrain là-bas», dit Mme Daleus.

D'autres veulent faire venir au Canada les membres de leur famille qui sont sains et saufs. «Je lance un S.O.S. au gouvernement. J'aimerais que ma mère soit avec moi. Je peux m'occuper d'elle. J'aimerais la rapatrier, mais elle n'a pas de passeport canadien. Je ne sais même pas où elle va dormir ce soir. Franchement, je ne vis plus», dit Jean-David Pierre-Louis, qui est pasteur à l'église baptiste Étoile de Bethléem.

Un peu plus tôt, le ministre Lawrence Cannon et le maire de Montréal, Gérald Tremblay, s'étaient pourtant efforcés de calmer les craintes des membres de la communauté. «Il y a des gens sous les décombres. On a l'impression que le fédéral met le pied sur le frein. Si on attend des hôtels cinq étoiles pour aller donner des services, ce ne sera pas demain la veille», a lancé un journaliste de la radio haïtienne CPAM, en pleine conférence de presse.

«Nous voulons tout faire. Mais on doit suivre une démarche. C'est une chose d'envoyer des personnes, mais il faut les nourrir, les loger, s'assurer qu'elles ont les outils pour travailler», a souligné M. Cannon. Le ministre a expliqué que les Américains s'affairent, en tout premier lieu, à rétablir les vols à l'aéroport.

Des ratés après Jeanne...

Le député libéral de Bourassa, Denis Coderre, conserve de bien mauvais souvenirs de l'ouragan Jeanne, qui avait donné lieu à plusieurs initiatives spontanées de collecte de dons. Des tonnes et des tonnes de matériel avaient été amassées à La Perle retrouvée, du matériel qui avait finalement eu bien peu d'utilité. «Il faut suivre un processus étape par étape. Mais, chose certaine, il va falloir une stratégie en matière d'immigration.»

Là-dessus, le ministre Cannon s'est borné à indiquer que son collègue à l'Immigration, Jason Kenney, était à explorer «des options» afin de faciliter la réunification des familles de la diaspora haïtienne au Canada.

Une centaine de policiers et de pompiers montréalais sont également prêts à se rendre en Haïti dans les plus brefs délais, a souligné le maire de Montréal, Gérald Tremblay. Des boîtes de dons pour Haïti seront également installées dans les prochains jours dans les bureaux Accès Montréal, a indiqué le maire.

 

Ressortissants canadiens

Selon le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, on a retrouvé la trace de 700 des 6000 Canadiens qui étaient en Haïti au moment du drame. Les premiers Canadiens rapatriés d'Haïti sont arrivés à Montréal tard hier soir. Plus de détails ici.