Vanessa Gardere et son mari, un couple de Montréalais d'origine haïtienne, ont fait une visite toute spéciale à leur famille durant le temps des Fêtes. Ils sont venus à Port-au-Prince pour lui présenter leur nouveau-né, Louis-Xavier.

Hier, ils avaient les larmes aux yeux de devoir rentrer au Canada en laissant derrière eux leurs proches sinistrés. La Presse les a rencontrés sur la route de Delmas, alors qu'ils s'apprêtaient à se réfugier à l'ambassade canadienne en attendant d'être évacués. La seule chose dont ils pouvaient se réjouir, c'est d'être en vie. 

Le jour du tremblement de terre, le couple et son bébé étaient en voiture sur la route des Frères. «L'impact a été si grand que j'ai cru qu'une voiture venait de nous rentrer dedans pour nous forcer à nous arrêter. Je me suis dit: on va se faire kidnapper. Les kidnappings sont tellement fréquents! J'ai ouvert ma portière pour regarder derrière, puis j'ai vu que d'autres voitures étaient aussi secouées», raconte Mme Gardere.

La jeune maman est très calme dans les circonstances. «J'espère pouvoir être évacuée aujourd'hui, car mon bébé commence à être malade», a indiqué la jeune femme, qui avait pour tout bagage une petite valise, un siège de bébé et un sac qui contenait de la nourriture pour bébé.

Dans la seule journée d'hier, des dizaines de Canadiens comme Vanessa Gardere se sont réfugiés à l'ambassade canadienne. La Presse a demandé à y faire des entrevues, mais on nous a dit d'attendre la permission d'Ottawa, qui n'était toujours pas venue au moment de mettre sous presse.

L'ambassade n'a pas été épargnée par le sinistre. Les gens doivent dormir dans la cour pour des questions de sécurité. De petits chapiteaux ont été montés. Le terrain de tennis s'est ainsi transformé en dortoir improvisé. La nourriture offerte aux sinistrés provient des provisions personnelles des employés.

Vanessa Gardere n'est pas la seule à ignorer à quel moment elle sera évacuée. L'aéroport Toussaint-Louverture - le principal aéroport du pays - était chaotique, hier. Les vols commerciaux étant annulés, des organisations humanitaires et des journalistes de partout dans le monde y atterrissent à bord d'avions nolisés ou d'avions militaires remplis de denrées. Il y a congestion sur la piste, si bien que des vols nolisés pour évacuer les étrangers sont retardés.

À notre passage, plusieurs dizaines d'étrangers attendaient à l'extérieur pour tenter de quitter le pays. Ils n'étaient pas admis à l'intérieur. La grande salle des douanes était déserte. Des morceaux du plafond gisaient par terre.

Vernus Swisher, un Américain de Houston, avait nolisé un avion privé, mais des gardiens de sécurité l'empêchaient d'entrer dans l'aéroport. Il avait du mal à garder son calme lorsque La Presse l'a rencontré. «C'est vraiment le chaos», a-t-il résumé. Sa femme, sa fille et lui ont fait du bénévolat dans un hôpital au lendemain du sinistre, mais ils se sont vite rendu compte qu'ils étaient un fardeau: trois bouches à nourrir dans une ville aux magasins soit fermés, soit pillés. «On ne sert à rien», a-t-il dit, alors que la sueur perlait sur son visage.

Sur la route de Nazon, au coeur de la ville, des corps sont alignés côte à côte sur le trottoir. La plupart sont recouverts de draps colorés qui jurent avec le paysage dévasté. Les membres qui dépassent sont couverts de mouches. Des bénévoles aspergent les corps d'un liquide pour diminuer les odeurs. À certains endroits, on ramasse les corps à la pelle mécanique. Sur la route de Delmas, régulièrement congestionnée en temps normal, il y a très peu de circulation. La rareté de l'essence se fait sentir. La Presse a même été témoin d'une échauffourée entre une vingtaine de personnes qui faisaient la file avec des bidons pour obtenir de l'essence à une station-service. Des policiers haïtiens ont dû pointer leur arme vers eux pour que le calme revienne.