Quand Martin Turgeon, entrepreneur de la région de Montréal, est arrivé à l'hôtel Montana mardi après-midi, il a fait ce que plusieurs auraient fait à sa place après un long voyage: il s'est inscrit à la réception de l'hôtel, il est allé porter ses bagages à sa chambre et il est tout de suite redescendu en direction du bar de la piscine.

Il n'était pas encore assis lorsque le sol s'est mis à trembler. Il a tout juste eu le temps de s'éloigner de l'immeuble. Le reste est maintenant tristement connu: une fois l'épaisse poussière retombée, «après une dizaine de secondes», dit-il, l'horreur. L'hôtel Montana, bâti sur sept étages, s'était effondré.

«À 15 secondes près, avant ou après, je ne m'en tirais pas», dit-il.

Employé disparu

Son compagnon de voyage n'a peut-être pas eu la même chance que lui. hier après-midi, M. Turgeon était toujours sans nouvelles du jeune employé de sa firme venu avec lui pour la première fois dans la capitale haïtienne. Le jeune homme s'était inscrit quelques minutes après lui. Il a été porté disparu à l'ambassade.

Martin Turgeon faisait partie du deuxième groupe de Canadiens rapatriés depuis le début de la crise. En tout, ils sont 300 Canadiens a avoir été évacués depuis la réouverture de l'aéroport Toussaint-Louverture.

Le premier contingent l'a été dans la nuit de mercredi à hier. En compagnie d'une centaine d'autres personnes, dont l'écrivain Dany Laferrière et un groupe qui faisait du travail humanitaire dans un village haïtien, ils ont attendu à l'aéroport international de Port-au-Prince de monter à bord de l'énorme C-17 qui devait les ramener à Montréal. L'appareil gris foncé venait d'amener une quarantaine de soldats du DART, le groupe d'intervention en situation de crise des Forces armées canadiennes, de même qu'un hélicoptère de sauvetage Griffon et une poignée de journalistes.

Le Canada devra répéter la manoeuvre de nombreuses fois dans les prochains jours: envoyer du matériel et des soldats à bord d'avions Hercules ou C-17 et ramener, au retour, des Canadiens qui ont eu la chance de parvenir à l'ambassade sains et sauf ainsi que quelques blessés.

Entre-temps, le tarmac de l'aéroport international Toussaint-Louverture risque de ressembler chaque jour un peu plus à un aéroport en temps de guerre. Sur la piste, des avions et des hélicoptères de plusieurs pays arrivent et repartent sans cesse, souvent sans même prendre le temps d'éteindre leurs moteurs.

À leurs côtés, des véhicules de l'ONU s'alignent, parfois avec un blessé couché à l'arrière, les sacs de soluté accrochés aux poignées du plafond, faute d'ambulance. Une demi-douzaine de blessés ont été transportés à bord de l'avion canadien, dont trois rescapés des décombres de l'hôtel Montana qui semblaient dans un état grave.

Partout, des soldats, des employés de l'aéroport, des journalistes et des rescapés s'activent ou tuent le temps, comme Martin Turgeon ou comme Sylvia Hegi, une Québécoise qui vit en Suisse et qui espère revenir en Haïti le plus rapidement possible pour donner un coup de main. «J'espère pouvoir revenir aussitôt que la situation sera calmée. Parce que ça peut devenir très dangereux, m'a-t-on dit.»

Ce risque de violences et de soulèvement d'une population en manque d'eau et de nourriture et qui compte ses morts était sur toutes les lèvres, hier. Selon plusieurs, tout dépendra de la rapidité de réaction de la communauté internationale.