Pascale Anglade est en larmes au bout du fil. Elle vient d'apprendre que ses parents, Georges et Mireille Anglade, ainsi que son oncle, sa tante et son cousin sont morts sous les décombres d'une maison de Port-au-Prince.

Georges Anglade est écrivain et géographe. Il a enseigné à l'Université du Québec à Montréal pendant plus de 30 ans. Prisonnier politique sous la dictature duvaliériste, il a aussi été conseiller au cabinet privé du président Aristide.

«Mes parents adoraient le Québec, dit leur fille. Mais c'est à Haïti qu'ils voulaient être et c'est là qu'ils sont morts. C'est peut-être pour le mieux», se résigne-t-elle.

Pascale Anglade, qui pratique la médecine en Caroline-du-Nord, était à Haïti avec sa famille à l'occasion du temps des Fêtes. Elle a quitté la capitale il y a 10 jours.

Elle a su assez tôt que ses parents étaient vivants sous les décombres mais que les voisins n'arrivaient pas à les dégager. «Je sais ce qui arrive aux gens coincés sous des décombres après 12 heures. C'est horrible.»

C'est en fin de journée que la médecin - qui a travaillé aux urgences de l'Hôpital de New York après les attentats du 11 septembre - a appris la mort de ses proches. «Les gens doivent savoir que la situation est catastrophique là-bas», a-t-elle tenu à nous dire.

«Je me sens coupable»

De nombreux Montréalais sans nouvelles de leur famille en Haïti se meurent d'inquiétude.

«Je me sens coupable», dit la Montréalaise d'origine haïtienne Mildrid Bien-Aimé. Elle a réussi à décoller de Port-au-Prince une heure après la première secousse, mardi soir, alors que son père et sa soeur étaient sous les décombres.

«Si j'avais eu le choix, je serais restée là-bas avec eux. Je ne comprends pas pourquoi j'ai eu la chance de partir», dit-elle. La femme de 32 ans a eu des nouvelles de sa soeur à 5h hier matin. «Elle a eu le temps de me dire qu'elle était blessée et qu'elle avait les genoux enflés, mais la ligne téléphonique a coupé.»

L'éducatrice a trois autres soeurs, qui vivent à Ottawa. L'une d'elles parlait au téléphone avec son père quand la terre a tremblé. «Il a raccroché, indique Mildrid, qui n'a pas de nouvelles depuis. Il venait juste de me conduire à l'aéroport.»

Le vol Sunwing que prenait Mildrid Bien-Aimé devait décoller de Port-au-Prince à 15h30, mais il y a eu du retard. «Nous étions immobiles sur la piste quand nous avons senti des secousses. Les gens ont crié. C'était paniquant, raconte-t-elle. Les agents de bord essayaient de se retenir. On voyait de la poussière dehors et des employés sortaient de l'aéroport par la piste. L'avion bougeait. Je pensais que le pilote faisait de fausses manoeuvres.»

Le puissant séisme est survenu à 16h53 et a été suivi de puissantes secousses, mais l'avion Sunwing a tout de même pris le chemin des airs à 18h15. «Ils ont dit que c'était plus sécuritaire de partir que de rester», explique Mme Bien-Aimé.

C'est en arrivant à Montréal que la femme de 32 ans a compris l'ampleur du drame qui a plongé son pays dans le chaos.

Insoutenable attente

«Merci de partager l'information suivante: à la recherche d'Alexandre Bitton (02-10-73); 6 pieds; 250 lb; cheveux et yeux foncés. Était dans le lobby de l'hôtel Montana au moment du séisme.»

Chantal Laniel attend désespérément des nouvelles de son ami Alexandre Bitton. Le consultant informatique n'a pas parlé à ses proches depuis la première secousse. Il est parti en Haïti avec son patron Martin Turgeon qui, lui, a joint sa conjointe avant-hier soir.

Les deux Montréalais - qui travaillent pour ADNM International - logeaient à l'hôtel Montana, qui a subi d'importants dommages à la suite du tremblement de terre.

«Aujourd'hui, des consultants de Port-au-Prince connus de l'entreprise où travaille Alex ont été voir l'hôtel Montana. Seule la partie avant de l'hôtel semble s'être écroulée», a expliqué à La Presse Mme Laniel.

Sur les 300 clients de l'hôtel, 200 manquent toujours à l'appel, lui a-t-on dit.